1867 en France :
– L’Empire Français est régie par Louis-Napoléon BONAPARTE depuis 1852.
– Une certaine prospérité économique touche le pays, notamment par la stabilité offerte par le régime politique.
– À Besançon, l’assimilation de la diaspora horlogère Suisse est terminée dans cette seconde moitié du XIXe siècle.
– Il est intéressant de noter que la ville de Besançon compte plus de 200 Ateliers liés à la production horlogère dans les années 1860. Ces derniers produisent environ 300 000 montres par an, soit 95 % de la production nationale.
1867 : LA GENÈSE D’UNE ÉPOPÉE INDUSTRIELLE FAMILIALE
Installé au 14 Grande Rue, niché au sein de « la Boucle » Bisontine, un atelier d’horlogerie proto-industriel voit le jour en cette seconde moitié du XIXe siècle. Face à l’approche tout à fait artisanale des métiers de l’horlogerie qui animent le centre-ville de Besançon à l’époque, Emmanuel LIPMANN va ouvrir un atelier, atteignant rapidement une quinzaine d’employés, afin de produire des montres de poche et quelques luxueuses montres-bracelets produites sur place, assemblées à partir de pièces issues des micro-ateliers spécialisés environnant (de la région Bisontine dont le Haut-Doubs ainsi que des pièces Suisses).
Installé au 70 puis au 14 de la Grande Rue de Besançon, Emmanuel LIPMANN (1844-1913) va être un des premiers artisans de l’industrialisation de la fabrique de montres en France. Initialement établisseur, le premier de la saga LIPMANN va faire passer son affaire d’assemblage de montres dont les pièces proviennent du travail d’ouvriers spécialisés à domicile à un balbutiement de Manufacture horlogère. Une quinzaine d’ouvriers investissent le 14 Grande Rue, offrant à Emmanuel la possibilité de produire ses propres montres, qu’il vend ensuite sur place, par le biais d’un comptoir, bientôt nommé Comptoir Lipmann.
Mais revenons-en au début de l’affaire. Emmanuel, « fils d’un colporteur ou d’un fournituriste » Alsacien émigre vers Besançon avec le statut d’établisseur dans les années 1860. Besançon est en plein développement, l’épanouissement du milieu horloger est alors à son apogée, offrant un milieu favorable à l’édification d’un atelier d’horlogerie. La cité horlogère est ainsi parsemée d’une foultitude d’ouvriers très spécialisés, chacun travaillant sur un type de fournitures, une finition de boîtier, etc … Parfois indépendant, une grande partie de ces ouvriers œuvrent pour le compte d’un établisseur, qui administre tous ces corps de métiers afin de concevoir ensuite dans un atelier final l’assemblage et le montage des mouvements dans un écrin de laiton chromé, d’acier, d’or ou de platine par exemple. C’est dans ce contexte qu’Emmanuel LIPMANN va créer dès 1867 son entreprise d’établissage, usant de fournitures Suisses et Bisontines qu’il assemble avec probablement une petite équipe et dont il assure la vente du produit fini, la montre. Ainsi va naître l’aventure familiale LIPMANN, dans une atmosphère d’émulation horlogère et de prospérité qu’offre le Second Empire, administré d’une main de maître par Louis-Napoléon BONAPARTE.
Au fil de la progression de l’affaire d’Emmanuel dans le XIXe siècle, le dynamisme et la notoriété que va obtenir le nom LIPMANN vont progressivement faire basculer ce statut d’établisseur vers celui de manufacturier. Ce passage est assez inédit à l’époque, puisqu’il témoigne de la volonté d’un homme de tendre vers l’aboutissement de toutes fabriques d’horlogerie, la production d’une grande partie des pièces sous l’égide d’une seule et unique entité, généralement au sein d’un même lieu. Cela semble s’opérer alors qu’Emmanuel LIPMANN déménage son affaire au 14 Grande Rue, toujours au centre de Besançon (après 1875). Ceci permet de produire des montres sur place (l’approvisionnement provient parfois, et officieusement de Suisse par exemple), par l’intermédiaire d’une quinzaine d’ouvriers donc. Emmanuel se hisse ainsi dans un cercle très fermé, celui des manufacturiers Bisontins à l’aube du XXe siècle. La clientèle se presse ainsi au Comptoir Lipmann du 14 Grande Rue, afin d’acquérir une montre de poche (ou gousset) soignée, précise et conçue sur place, dans les Ateliers ce trouvant à l’étage de la battisse en pierre, tandis que le rez-de-chaussé accueil le point de vente direct.
En cette fin de siècle, Emmanuel LIPMANN va donc réussir un véritable tour de force, par une vitalité sans faille et grâce à un entourage heureux (ce dernier se lie avec une puissante famille horlogère émigrée à Besançon, les GEISMAR, dont il épouse Caroline en 1868), à faire prospérer son entreprise, à laquelle ses 3 enfants vont apporter, au début des années 1900, un élan nouveau. Il aura fallu le travail d’une génération de LIPMANN pour asseoir la marque LIP, alors réclamée nationalement aux portes du XXe siècle.
Ainsi, comme signe d’aboutissement d’une vie consacrée à l’horlogerie, la fabrique de montres E. LIPMANN va successivement passer de 25 salariés en 1893, pour 1 500 montres produites durant l’année à plus de 2 500 montres de poches conçues au cours de l’année 1895, avec un effectif de 40 salariés. En signe d’accomplissement de cette fabuleuse aventure, les cadrans de certaines montres produites par ce qui est devenu une manufacture horlogère de renom portent la prestigieuse mention « Chronomètre Lip » en cette fin de siècle, une consécration pour le « premier des LIPMANN ».
Sources :
- COUSTANS Marie-Pia et GALAZZO Daniel, Lip, des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
- MAUERHAN Joëlle, Horlogers et Horlogères à Besançon, 1793-1908, un passé prêt à revivre, Édition L’Harmattan, 2018
- Fond photographique du Musée du Temps, Besançon
- Divers fonds des Archives Municipales de la ville de Besançon
- Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément