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1899 : L’ESSENCE D’UNE MANUFACTURE HORLOGÈRE / Le Calibre Lip 20.3

1899 : L’ESSENCE D’UNE MANUFACTURE HORLOGÈRE / Le Calibre Lip 20.3

1899 : L’ESSENCE D’UNE MANUFACTURE HORLOGÈRE / Le Calibre Lip 20.3

Calibre Lip 20.3 montre bracelet LIPMANN 1899 mouvement manufacture

Calibre Lip 20.3 créé en 1899, premier mouvement manufacturé par la Société LIPMANN Frères à Besançon, dans son atelier au 14 Grande Rue / Source : Fond privé HAOND Clément

L’âme de la modernisation industrielle plane en cette fin de siècle (XIXe) sur la Société Anonyme Lipmann Frères. Convertie en S.A. en 1893 par la participation des deux fils d’Emmanuel LIPMANN (et dans une moindre mesure de sa fille, Jenny), Ernest (1869 – 1943) et Camille (1872 – 1947) vont répondre à une demande tout à fait récente en 1899, celle de porter sa montre solidement arrimée au poignet par une lanière de cuir ou de tissu, via l’essor de la montre-bracelet moderne, telle que nous la connaissons aujourd’hui. À cette époque, la montre de poche ou gousset est encore la norme, notamment parce que la miniaturisation des mouvements est un art complexe, non industrialisé et ainsi, réservé à une clientèle fortunée.
Avec une quarantaine de salarié après 1896, la Manufacture Lip aborde donc le XXe siècle par le développement d’un mouvement ancré dans son époque, le calibre Lip 20.3. D’un diamètre de 20 mm, ce mouvement est spécifiquement développé pour équiper des montres-bracelets de faible encombrement, contenu à une trentaine de millimètres de diamètre pour la montre finie. Initialement proposé en deux aiguilles marquant les heures et les minutes, ce mouvement sera, dès 1901, enrichi de l’affichage des secondes par un sous-cadran disposé à 6 heures, afin de toujours mieux ce soustraire aux évolutions de la mode. Fait marquant pour cette Manufacture qui s’affirme sur la scène Nationale, ce mouvement, premier du genre montre-bracelet entièrement développé par Lip, est dès 1899 certifié Chronomètre par l’Observatoire Chronométrique de Besançon, organe officiel et indépendant reconnu internationalement pour ses mesures de précisions en horlogerie.

Atelier montre Lip Lipmann Emmanuel horlogerie 14 grande rue Besançon

Atelier Lip situé au 14 Grande Rue de Besançon
Source : Fond d’archives du Musée du Temps, Ville de Besançon

Au delà de cela, il s’agit d’un mouvement historiquement fort pour la société LIPMANN Frères, puisqu’il signe l’avènement de la Manufacture Lip, car il s’agit du premier calibre entièrement conçu, de l’ébauche aux composants, au sein de l’entreprise Lip, au 14 de la Grande Rue de Besançon. Ce mouvement fait entrer Lip dans une nouvelle dynamique, puisque dorénavant, l’avenir sera marqué par une part croissante de mouvements Lip développés, fabriqués et assemblés en interne à Besançon. Ainsi, 32 années après l’installation d’un atelier d’établissage au 70 Grande Rue à Besançon, Emmanuel, père de cette affaire familiale mais surtout Ernest et Camille LIPMANN, artisans de la dynamique « manufacturière » imprimée à Lip au tournant du XIXe siècle, peuvent admirer le triomphe d’un nom, qui va durablement marquer l’histoire horlogère.

Le calibre 20.3 manufacturé par la S.A. LIPMANN Frères symbolise également l’avènement des deux fils d’Emmanuel comme repreneurs de l’affaire familiale, lui impulsant un nouveau souffle, afin d’affronter avec sérénité le XXe siècle qui se profile. À partir de 1899, une dynamique manufacturière va ainsi s’emparer des frères LIPMANN, Ernest et Camille, qui vont s’entourer d’ingénieurs, de prototypistes, de dessinateurs, afin de poursuivre cette quête vers la rigueur, la qualité et l’exactitude.

Techniquement parlant, ce mouvement est tout à fait remarquable pour son époque. Tout d’abord, son diamètre est contenu à 8 »’ 1/2, soit 19.2 mm, nécessitant une indéniable excellence du parc machines et une précision sans faille dans l’assemblage. L’empierrage est généreux, puisque ce mouvement est doté de 15 rubis synthétique offrant une usure largement amoindrie des pivots. Ce nombre de rubis, tout comme la compacité générale du mouvement, indique qu’il s’agit là d’une montre de qualité, comme le confirme l’échappement à ancre, réservé alors aux montres les plus prestigieuses et précises.

Calibre 20.3 Lip 1er mouvement montre bracelet manufacturé par LIPMANN en 1899

Vue sur le balancier bimétallique et sur une partie de l’ancre du Calibre Lip 20.3 Source : Collection privée HAOND Clément

Le balancier bénéficie d’un grand soin, puisqu’il est en acier spécial à vis compensatrices. D’un diamètre de 8 mm, il est couplé à un spiral à courbe Breguet bleui, qui procure au mouvement des performances de régularité exceptionnelles au début des années 1900. Pour parfaire encore l’efficacité de son premier mouvement manufacturé, les Frères LIPMANN vont l’équiper d’un balancier bimétallique à serge ouverte. Enfin, une finition exemplaire, dans l’ADN Lip car cette dernière est axée sur l’aspect fonctionnel du mouvement, et non pas sur le rendu esthétique, vient compléter le tout. Lip, par la mise en production en interne d’un mouvement de montre-bracelet, le Calibre 20.3, s’affirme ici comme une puissante entreprise de l’industrie horlogère mondiale en devenir. 

Par une constante amélioration des procédés techniques de fabrication et une finition globale exemplaire, le calibre Lip 20.3 est le premier mouvement à ancre de 20 mm à recevoir le titre de Chronomètre de l’Histoire de l’Observatoire de Besançon, dont le service chronométrique voit le jour le 5 Août 1885. Si ce mouvement devait encore provoquer des réticences, , voici une donnée qui marque définitivement la grande qualité de celui-ci. Lip ne pouvait, en 1899, pas mieux lancer sa grande histoire manufacturière (1899 à 1976).

Calibre 20.3 Lip 1er mouvement manufacturé par LIPMANN en 1899 montre bracelet bulletin réglage chronométrique vers 1912

Mouvement Lip 20.3 Source : Collection privée HAOND Clément

Sources :

  • COUSTANS Marie-Pia et GALAZZO Daniel, Lip, des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
  • Collection Lip du Musée du Temps à Besançon
  • Fondation de la Haute Horlogerie.org
  • Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément

Lexique Horloger

Lexique et termes techniques en usage dans l’horlogerie :

  • Balancier : Bimétallique / Compensé / Coupé
  • Chronomètre :
  • Établissage / Établisseur : Dans un contexte de division du travail dans le milieu de l’horlogerie Bisontine, un fabricant, en l’occurrence l’établisseur, se spécialise dans la gestion du travail d’ouvriers très spécialisés qui travaillent généralement à domicile ou au sein de petits ateliers familiaux. Rassemblant ainsi les pièces et travaux réalisés, l’établisseur fait travailler ses horlogers diplômés afin que ces derniers assemblent la montre. Ensuite, l’établisseur se charge de la vente de la montre.
  • Spiral :
1844 – 1913 : Emmanuel LIPMANN

1844 – 1913 : Emmanuel LIPMANN

Emmanuel LIPMANN photographie fin du XIXe 19 e siècle montre Lip Besançon

Emmanuel LIPMANN à la fin du XIXe siècle, deuxième de couverture d’un catalogue Lip sur la construction de l’Usine Lip III de Palente, 1962
Fond privé HAOND Clément

La vie d’Emmanuel LIPMANN est parsemée de flous et d’absences d’archives fiables. Seuls quelques journaux d’époque nous renseigne sur sa vie privée, autre que son rôle de fondateur et ainsi Président Directeur Général de ce qui est devenu une puissante manufacture horlogère, certainement l’une des plus importante de France lorsqu’elle aborde le XXe siècle. Entre 1867 et le début du XXe siècle, Emmanuel mène ardemment son entreprise sur les pentes du succès, non sans peine puisqu’il lui faudra toute une vie pour bâtir les bases d’un empire que ses enfants, puis petits-enfants vont pérenniser.

D’un père vendeur en fournitures ou colporteur de fournitures, en tout état de cause œuvrant dans le milieu horloger, Emmanuel LIPMANN né en 1844, dans la commune de Neuf-Brisach, dans le Haut-Rhin. Son enfance, jusqu’à son arrivée à Besançon dans les années 1860 n’est pas documentée, l’antériorité de cette documentation explique en partie ces manquements. De plus, l’Histoire ne retient que fort peu souvent la vie d’une famille dont la père fut colporteur ou fournituriste dans le domaine de l’horlogerie.

Pour des raisons probablement économiques, et n’ayant pas d’attache dans la région qui l’a vu naître, il émigre vers Besançon au cours des années 1860, disposant alors d’un bagage technique en horlogerie puisqu’il ouvre sur place un atelier d’établissage, dès 1867. Situé au 70 Grande Rue, en plein centre de la capitale du Doubs, cet « atelier » est dès ses débuts au cœur du dynamisme horloger qui marque la ville depuis l’arrivée d’horlogers Helvètes dès 1793, emmenés par Laurent MEGEVAND, et fuyant les persécutions politiques qui s’abattent en Suisse. Artère principale de la ville fortifiée, la Grande Rue de Besançon scinde la « Boucle » en 2 partie, répartissant unitairement la ville.

Quelques données permettent de mesurer l’importance, et ainsi le choix stratégique opéré par le fondateur de « dynastie » LIPMANN à Besançon, que revêt cette rue dans le paysage horloger de la ville, dans les années 1860 à 1900. L’annuaire de la fabrique d’Horlogerie de Besançon 1875 (Imprimerie et Lithographie Ve VALLUET et Fils, 23 rue des Gleres, Édition Besançon, 1875, disponible sur la plateforme GALLICA, BNF) nous renseigne admirablement sur l’effervescence horlogère de la ville à cette époque. Tout d’abord, nous apprenons que 79 corps de métiers organisent la fabrication d’une montre, des fabricants d’aiguilles aux doreurs, des polisseurs aux graveurs, des arrondisseurs aux peintres de cadran en passant par les fabricants d’outillages et les horlogers diplômés. Par une étude attentive, ce document nous apprend que sur le seule Grande Rue, lieu où se trouve l’atelier LIPMANN, 36 fabricants d’horlogerie (établisseurs ou manufacturiers) se distribuent entre le N°2 et le N°140. Ainsi, la rue principale de Besançon compte pas moins d’un fabricant d’horlogerie tous les 22 mètres, soit une boutique sur trois environ. Ceci permet d’apprécier la densité horlogère de cette rue et l’importance d’être bien représenté dans cette dernière.

Une famille va accompagner l’ascension d’Emmanuel LIPMANN, les GEISMAR. Issue de l’immigration vers Besançon, en provenance probablement de l’Est de la France, cette famille va rapidement se lier à celle d’Emmanuel, puisque ce dernier épouse le 28 octobre 1868, quelques mois après la création de son atelier, une fille GEISMAR, Caroline (1845 – Novembre 1930). Les GEISMAR suivent un parcours similaire à celui d’Emmanuel LIPMANN, quelques années auparavant. Nous pouvons, malgré le déficit d’archive à ce sujet, penser que les deux familles, œuvrant dans le milieu de l’horlogerie, vont s’épauler afin de bâtir une puissante affaire au crépuscule du XIXe siècle.

Les années 1880 à 1900 marque l’avènement du patient travail d’Emmanuel LIPMANN, et la naissance d’un souffle nouveau sur l’atelier d’établissage créé en 1867. Le déménagement du 70 au 14 de la Grande Rue, toujours à Besançon, vers 1880 marque la montée en gamme du premier des « LIP ». L’atelier du N°14 se pare d’un comptoir au rez-de-chaussée, donnant sur la rue. Les étages accueillent les Ateliers et sa quinzaine d’ouvriers, réunis sous une seule et unique entité professionnelle (ce n’est pas inédit, mais cela reste tout de même assez innovant en cette fin de siècle). En 1886, l’entreprise désormais appelée Comptoir LIPMANN emploi 40 salariés, plus du double en moins d’une décennie, une prouesse. Ceci s’accompagne des premières réalisations horlogères estampillées Lip ou Chronomètre Lip, fièrement arborer sur le cadran. Emmanuel aborde ainsi les années 1890 avec optimisme, d’autant plus que ses deux fils, Ernest (1869 – 1943) et Camille (1872 – 1947) travaillent dans l’entreprise familiale.

1893 symbolise le franchissement d’une nouvelle étape dans la construction d’une firme d’horlogerie d’exception, puisque sous l’impulsion d’Ernest et Camille LIPMANN, le Comptoir LIPMANN est transformé juridiquement en S.A. d’Horlogerie LIPMANN Frères (disposant d’un capital social de 25 salariés, réduction de près de 38% de l’effectif face à 1886). La mention de « LIPMANN Frères » indique clairement que cette date marque le passage de relais entre Emmanuel LIPMANN, alors âgé de 49 ans, et ses deux fils. Ce « sang neuf » redonne de la vigueur et des ambitions à la jeune Manufacture, ce qui se matérialise de la plus belle des manières par la création, puis la mise en production industrielle en 1899 du premier mouvement de montre entièrement manufacturé par la société LIPMANN. Cette dernière assure toutes les étapes de la fabrication, la création des boîtiers et des fournitures d’habillages, et enfin l’ajustement et l’emboîtage pour finir par la vente à l’échelle nationale, dans des boutiques d’horlogers, avec une volonté de rayonnement affirmée, et marquant les prémices d’une grande aventure industrielle Française.

décès emmanuel Lipmann janvier 1913 journal univers israélite

L’univers Israélite du 31 Janvier 1913, décès d’Emmanuel LIPMANN (1844 – 1913)
Source : RetroNews Bibliothèque Nationale de France

Après avoir officiellement légué son entreprise en 1901, Emmanuel LIPMANN semble se retirer des affaires horlogères tout en poursuivant ses activités au sein de l’univers israélite de Besançon, dans lequel il occupe une place importante, par son statut d’entrepreneur majeur et de bienfaiteur de la ville.

Il meurt aux alentours du 20 Janvier 1913 à Besançon, à l’âge de 69 ans, en ayant forger les bases de ce qui deviendra, 3 décennies plus tard, la première Manufacture Horlogère de France, tant en volume de production qu’en qualité.

 

 

« On nous écrit de Besançon :

Mercredi 22 janvier ont eu lieu les obsèques de M. Emmanuel Lipmann, vice-président du Consistoire israélite, au milieu d’une très nombreuse assistance. Le cortège funèbre ai passé devant la synagogue, dont la façade était tendue de noir et dont les portes ouvertes laissaient voir l’intérieur entièrement illuminé. Le cortège s’est arrêté un instant. M. E. Lipmann était un de ces hommes entièrement dévoués aux choses de notre culte, et qui jouissent partout de l’universelle estime.

MM. le Grand Rabbin, le Président du Consistoire et deux amis appartenant à un autre culte que le nôtre ont rendu d’émouvants hommages à la mémoire de l’homme de bien qui disparaît. »

 

Sources :

  • COUSTANS Marie-Pia et GALAZZO Daniel, Lip, des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
  • MAUERHAN Joëlle, Horlogers et Horlogères à Besançon, 1793-1908, un passé prêt à revivre, Édition L’Harmattan, 2018
  • LIP Fred, Conter mes heures, Édition Parnasse, Paris, 1973
  • Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément
  • www.retronews.fr / Site de Presse de la Bibliothèque Nationale de France, mots-clés : LIPMANN Emmanuel 1867 à 1913.
  • www.gallica.bnf.fr / Bibliothèque Numérique de la Bibliothèque Nationale de France, mots-clés : LIPMANN Emmanuel 1867 à 1913. 
1867 : LA GENÈSE D’UNE ÉPOPÉE INDUSTRIELLE FAMILIALE

1867 : LA GENÈSE D’UNE ÉPOPÉE INDUSTRIELLE FAMILIALE

Plan de la ville de Besançon par L ROUZET Atelier horlogerie et de montre gousset Lip Lipmann au 70 puis 14 Grande rue

Plan de Besançon et son territoire par L. ROUZET (ingénieur voyer), dressé en 1883. Source : Archives Municipales de la Ville de Besançon.

1867 en France :

– L’Empire Français est régie par Louis-Napoléon BONAPARTE depuis 1852.


– Une certaine prospérité économique touche le pays, notamment par la stabilité offerte par le régime politique.

– À Besançon, l’assimilation de la diaspora horlogère Suisse est terminée dans cette seconde moitié du XIXe siècle.

– Il est intéressant de noter que la ville de Besançon compte plus de 200 Ateliers liés à la production horlogère dans les années 1860. Ces derniers produisent environ 300 000 montres par an, soit 95 % de la production nationale.

1867 : LA GENÈSE D’UNE ÉPOPÉE INDUSTRIELLE FAMILIALE

Installé au 14 Grande Rue, niché au sein de « la Boucle » Bisontine, un atelier d’horlogerie proto-industriel voit le jour en cette seconde moitié du XIXe siècle. Face à l’approche tout à fait artisanale des métiers de l’horlogerie qui animent le centre-ville de Besançon à l’époque, Emmanuel LIPMANN va ouvrir un atelier, atteignant rapidement une quinzaine d’employés, afin de produire des montres de poche et quelques luxueuses montres-bracelets produites sur place, assemblées à partir de pièces issues des micro-ateliers spécialisés environnant (de la région Bisontine dont le Haut-Doubs ainsi que des pièces Suisses).

Installé au 70 puis au 14 de la Grande Rue de Besançon, Emmanuel LIPMANN (1844-1913) va être un des premiers artisans de l’industrialisation de la fabrique de montres en France. Initialement établisseur, le premier de la saga LIPMANN va faire passer son affaire d’assemblage de montres dont les pièces proviennent du travail d’ouvriers spécialisés à domicile à un balbutiement de Manufacture horlogère. Une quinzaine d’ouvriers investissent le 14 Grande Rue, offrant à Emmanuel la possibilité de produire ses propres montres, qu’il vend ensuite sur place, par le biais d’un comptoir, bientôt nommé Comptoir Lipmann.

Mais revenons-en au début de l’affaire. Emmanuel, « fils d’un colporteur ou d’un fournituriste » Alsacien émigre vers Besançon avec le statut d’établisseur dans les années 1860. Besançon est en plein développement, l’épanouissement du milieu horloger est alors à son apogée, offrant un milieu favorable à l’édification d’un atelier d’horlogerie. La cité horlogère est ainsi parsemée d’une foultitude d’ouvriers très spécialisés, chacun travaillant sur un type de fournitures, une finition de boîtier, etc … Parfois indépendant, une grande partie de ces ouvriers œuvrent pour le compte d’un établisseur, qui administre tous ces corps de métiers afin de concevoir ensuite dans un atelier final l’assemblage et le montage des mouvements dans un écrin de laiton chromé, d’acier, d’or ou de platine par exemple. C’est dans ce contexte qu’Emmanuel LIPMANN va créer dès 1867 son entreprise d’établissage, usant de fournitures Suisses et Bisontines qu’il assemble avec probablement une petite équipe et dont il assure la vente du produit fini, la montre. Ainsi va naître l’aventure familiale LIPMANN, dans une atmosphère d’émulation horlogère et de prospérité qu’offre le Second Empire, administré d’une main de maître par Louis-Napoléon BONAPARTE.

Emmanuel LIPMANN photographie fin du XIXe 19 e siècle montre Lip Besançon

Emmanuel LIPMANN à la fin du XIXe siècle, deuxième de couverture d’un catalogue Lip sur la construction de l’Usine Lip III de Palente, 1962
Fond privé HAOND Clément

Au fil de la progression de l’affaire d’Emmanuel dans le XIXe siècle, le dynamisme et la notoriété que va obtenir le nom LIPMANN vont progressivement faire basculer ce statut d’établisseur vers celui de manufacturier. Ce passage est assez inédit à l’époque, puisqu’il témoigne de la volonté d’un homme de tendre vers l’aboutissement de toutes fabriques d’horlogerie, la production d’une grande partie des pièces sous l’égide d’une seule et unique entité, généralement au sein d’un même lieu. Cela semble s’opérer alors qu’Emmanuel LIPMANN déménage son affaire au 14 Grande Rue, toujours au centre de Besançon (après 1875). Ceci permet de produire des montres sur place (l’approvisionnement provient parfois, et officieusement de Suisse par exemple), par l’intermédiaire d’une quinzaine d’ouvriers donc. Emmanuel se hisse ainsi dans un cercle très fermé, celui des manufacturiers Bisontins à l’aube du XXe siècle. La clientèle se presse ainsi au Comptoir Lipmann du 14 Grande Rue, afin d’acquérir une montre de poche (ou gousset) soignée, précise et conçue sur place, dans les Ateliers ce trouvant à l’étage de la battisse en pierre, tandis que le rez-de-chaussé accueil le point de vente direct.

En cette fin de siècle, Emmanuel LIPMANN va donc réussir un véritable tour de force, par une vitalité sans faille et grâce à un entourage heureux (ce dernier se lie avec une puissante famille horlogère émigrée à Besançon, les GEISMAR, dont il épouse Caroline en 1868), à faire prospérer son entreprise, à laquelle ses 3 enfants vont apporter, au début des années 1900, un élan nouveau. Il aura fallu le travail d’une génération de LIPMANN pour asseoir la marque LIP, alors réclamée nationalement aux portes du XXe siècle.

Ainsi, comme signe d’aboutissement d’une vie consacrée à l’horlogerie, la fabrique de montres E. LIPMANN va successivement passer de 25 salariés en 1893, pour 1 500 montres produites durant l’année à plus de 2 500 montres de poches conçues au cours de l’année 1895, avec un effectif de 40 salariés. En signe d’accomplissement de cette fabuleuse aventure, les cadrans de certaines montres produites par ce qui est devenu une manufacture horlogère de renom portent la prestigieuse mention « Chronomètre Lip » en cette fin de siècle, une consécration pour le « premier des LIPMANN ».

Facture Emmanuel LIPMANN Lip fabricant horlogerie montre gousset 24 Janvier 1900 Besançon

Documentation administrative de la Fabrique d’Horlogerie LIPMANN en date du 24 Janvier 1900.
Fond privé HAOND Clément


Sources :

  • COUSTANS Marie-Pia et GALAZZO Daniel, Lip, des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
  • MAUERHAN Joëlle, Horlogers et Horlogères à Besançon, 1793-1908, un passé prêt à revivre, Édition L’Harmattan, 2018
  • Fond photographique du Musée du Temps, Besançon
  • Divers fonds des Archives Municipales de la ville de Besançon
  • Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément