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1869 – 1943 : Ernest LIPMANN

1869 – 1943 : Ernest LIPMANN

Portrait Ernest LIPMANN Bulletin Spécial Lip Usine de Palente Mars 1961 Introduction @HAOND Clément

Portrait officiel d’Ernest LIPMANN vers 1920 / Source : Bulletin Spécial Lip pour la construction de l’usine de Palente, Mars 1961, fond privé HAOND Clément

Second représentant de la famille LIPMANN en tant que personnage éminent de la vie horlogère de Besançon, Ernest David LIPMANN va prendre la succession, avec l’aide partielle de son frère, Camille et de sa sœur, Jenny, du Comptoir LIPMANN, alors encore domicilié au 14 Grande Rue (Besançon). 

Artisan majeur de la dynamique expansionniste de celle qui ne s’appelle pas encore Lip, Ernest reste à jamais lié au développement de la première véritable usine de production de la marque aux 3 lettres, en faisant passer au début des années 1900 l’aventure horlogère de son père au stade d’industrie avant-gardiste. 

Né le 2 Août 1869 au 30 rue d’Arènes à Besançon, en plein cœur de la nuit (00h30), Ernest David LIPMANN baigne immédiatement dans une atmosphère d’émulation horlogère, tant du côté paternel que du côté de sa mère. 

Son père, Emmanuel LIPMANN, fondateur de ce qui n’est encore, en cette fin de décennie 1860, qu’un modeste Atelier de fabrication horlogère, n’est alors âgé que de 24 ans. Sa mère, Caroline Geismar, également née en 1844, apporte une caution supplémentaire à cette atmosphère, puisque sa famille est une des plus dynamiques dans le milieu de la conception de montres de qualité à Besançon. Pour preuve, l’état civil du tout jeune Ernest nous renseigne aisément sur le caractère « horloger » de sa naissance, puisque cette dernière fut reconnue en présence de :

  • Gabriel GEISMAR, monteur de boîtes [de montres] âgé de 27 ans et demeurant à Besançon (proche d’Emmanuel LIPMANN et frère de Caroline GEISMAR)
  • et d’Isidore SEHNERTZ, horloger âgé de 21 ans et demeurant également à Besançon (certainement un ami ou un employé d’Emmanuel LIPMANN)
Registre naissance Ernest David Lipmann 2 Aout 1869 besançon cote 1E773 page 245 @Archives Municipales de Besançon

Extrait du registre des naissances pour l’année 1869 à Besançon, naissance d’Ernest David LIPMANN le 2 Août 1869 Source : Archives Municipales numérisées de Besançon, memoirevive.besancon.fr, Registre des Naissances, 1869, cote 1E773, page 245, 727e naissance

Au crépuscule du XIXe siècle, Ernest va prendre de plus en plus d’importance dans la gestion de la fabrique de montres LIPMANN, en atteste la transformation du Comptoir LIPMANN, entité créée en 1867, en S.A. d’Horlogerie LIPMANN Frères en 1893, puisque Camille, né en 1872 se joint à l’affaire. L’ascension vers la tête de l’entreprise sera lente mais inexorable, le savoir-faire technique et économique d’Ernest œuvrant à la dynamique exceptionnelle de la firme LIP entre la fin du XIXe siècle et la Première Guerre Mondiale, le rôle de gestionnaire financier et administratif de Camille faisant le reste

Le chronomètre LIP à l’assaut de la France

La fin du XIXe siècle marque pour les montres frappées du logo LIP la fin de l’établissage, et les débuts de l’aventure manufacturière de l’entreprise Lip. Emmanuel LIPMANN (père) garde un regard averti sur la gestion de son entreprise, dont il semble, d’après les archives en notre possession, que la succession véritable n’intervienne qu’après la Première Guerre Mondiale. Toutefois, le rythme de l’entreprise s’accélère à partir de 1900, la mise en production du premier calibre entièrement manufacturé par LIP en 1899, le mouvement 20.3, probablement impulsé par le dynamisme et la jeunesse des 3 enfants d’Emmanuel renforçant cela. 

Ernest (fils aîné) va dans ses jeunes années préparer Saint-Cyr, école militaire de prestige dispensant une formation intellectuelle loin des considérations techniques de la conception horlogère. Ceci va lui conférer, une fois au sommet de l’entreprise, une méthode de gestion innovante, en rupture absolue avec le traditionalisme horloger de l’époque. 
Développant la publicité, et faisant œuvre, avant l’heure, d’un « marketing » féroce, Ernest LIPMANN, sous le joue de son Père, développe la production de montres soignées LIP, à tel point qu’il faut alors songer à déménager l’usine de production de l’étroit atelier du 14 de la Grande Rue. Principal artisan de cette évolution majeure, ou agissant officieux dans l’ombre de son Père, Ernest est toutefois la figure du passage à l’ère manufacturière de l’affaire LIPMANN. 

Usine montre Lip de la mouillère vers 1935 + atelier usine de la Mouillère vers 1940

4e de couverture d’un catalogue de fournitures Lip-Sam représentant l’usine de production Lip du quartier de la Mouillère, vers 1935 / Vue sur un atelier de l’usine Lip de la Mouillère de contrôle ou d’assemblage, photographie du Service Interne de photographie LIP, vers 1940. Sources : fond privé HAOND Clément

Dans la première moitié de l’année 1903, une usine flambant neuve voit le jour, au cœur du quartier de la Mouillère (au 14 rue des Chalets), en périphérie immédiate de l’hyper-centre de Besançon. Rapidement, la conception et la fabrication de montres de poche et de quelques montres-bracelets augmentent, parallèlement à la grande fiabilité et à la construction exemplaire des calibres qui les équipent. Sous l’impulsion des deux générations de LIPMANN, des mécaniciens, des horlogers, des ingénieurs sont embauchés, portant l’effectif  à 80 salariés (contre une vingtaine en 1893). La grande qualité qu’atteint ainsi la production sortant de l’usine de la Mouillère est saluée par plusieurs certifications, dont la plus prestigieuse d’alors, celle de Chronomètre, délivré par l’Observatoire National de Besançon, l’un des 3 organismes dans le monde pouvant certifier le degrés de précision d’une montre. Cette distinction s’appose aussi bien sur des montres de gousset, plates, demie-plates ou plus épaisses que sur des montres bracelets dont le diamètre est inférieur à 22 mm. 

Pendulette Montre Lip vers 1920 publicitaire eaux thermales Ernest LIPMANN Mouillère Besançon

Pendulette publicitaire « Montre Lip » des années 1920, faisant la promotion des eaux thermales dans les officines / Source : Fond privé HAOND Clément

Ernest LIPMANN s’impose à la tête de l’entreprise

En réalité, il faut attendre la Première Guerre Mondiale pour qu’Ernest LIPMANN, et plus minoritairement son frère et sa sœur, administrent l’ambitieuse entreprise. À la mort du patriarche en 1913 (Emmanuel LIPMANN), la seconde génération de LIPMANN n’a plus de barrières pour s’établir à la tête de l’entreprise, et imposer sa vision du développement économique et industriel que doit suivre la manufacture LIP.
La Guerre, déclarée en 1914, va marquer, un temps, un coup d’arrêt à l’expansionnisme d’Ernest LIPMANN, dont la société qu’il dirige compte pas moins de 150 salariés, dont environ 55 venus de Suisses. Participant ardemment à l’Effort de Guerre Français, la Manufacture LIP va alors gagner ses lettres de noblesses au cours d’un conflit long, destructeur et traumatisant. Nous pouvons ainsi retrouver la marque LIP sur des cadrans de montres d’aviation après 1917 environ, mais également aux mains des compagnies d’artilleries qui en usent pour régler leur tirs, ou encore, et c’est une nouveauté qui va accélérer la vigueur de LIP au sortir de la Guerre, aux poignets de soldats et officiers de l’Armée Française. La Grande Guerre sera ainsi un tremplin aux activités de la manufacture LIP, dont la réputation d’infaillibilité est encore renforcée.  

La Guerre marque la consécration d’Ernest LIPMANN, puisque ce dernier devient Président de la Société Anonyme LIPMANN Frères en 1918, son frère Camille LIPMANN prend quant à lui le rôle de Directeur. Dispensant leur temps entre l’usine de production de Besançon et les bureaux Parisiens du Boulevard Sébastopol, l’histoire s’accélère pour la société LIP. Dès 1918, Ernest fait concevoir par son ingénieur en chef Camille JACOT le calibre à ancre LIP 26, mouvement rond moderne et perfectionné qui sera en usage jusqu’à la fin des années 1940.
S’en suit une fièvre manufacturière, rompant largement avec les décennies d’établissage du XIXe siècle. 1920 marque la naissance du calibre 43AC (19 »’ / 42.8 mm), 1921 celle de deux mouvements, le 39 et le 40 (respectivement 17 »’ / 38.3 mm et 18 »’ / 40.1 mm), 1922 fait état de la création du calibre 43 (19 »’ / 42.8 mm) et 1925 marque la mise en production du calibre 41 (18 »’ / 40.1 mm). En une génération, Ernest va être le père près de 10 mouvements (ou variantes) de montres de poche, diminuant drastiquement l’importation de mouvements étrangers, provenant notamment de Suisse. 

Le Père du mouvement T18

Mais ce que l’histoire horlogère retiendra de l’oeuvre magistrale d’Ernest LIPMANN, c’est la conception par l’entreprise qu’il administre d’un mouvement révolutionnaire de montre bracelet, le T18, en 1933. 

Lip T18 plan technique montre Besançon usine de la Mouillère Ernest LIPMANN @SHL

Plan technique du calibre Lip T18 (1933 – 1950) / Source : Service Histoire Lip

Il s’agit là d’un mouvement extraordinaire par son faible encombrement, seulement 18 mm de large pour 28.5 mm de long (7 »’ 3/4 x 12 »’ 1/5), sa conception intelligente fruit de l’ingénieur maison André DONAT permet une grande variété d’habillages. Mouvement d’école, puisque nombre d’Écoles d’Horlogerie formeront leurs élèves sur le mouvement T18 durant les années 1940 et 1950, c’est également un mouvement inscrit dans son temps, peut-être même en avance par sa conception réfléchie, dont l’armée va se doter pour équiper certains de ses officiers, en souvenir de la longue tradition de qualité qui unie LIP à l’Armée Française. 

L’innovation se poursuit au sein de la manufacture LIP, avec la commercialisation au milieu des années 1930 de pendules électriques dont les brevets sont établis en collaboration avec la firme Suédoise ERICSSON. Ernest LIPMANN déposera, en son nom, plusieurs brevets relatifs à l’usage de l’électricité dans l’horlogerie, assurant stabilité des réglages et des performances, et absence de remontage quotidien. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, Ernest ne cessera d’innover, de pousser plus loin le degré de qualité, tant dans la conception, la fabrication, que dans le système de vente ou de garantie.

Enfant terrible du patronat horloger Français, Ernest LIPMANN va bousculer ce milieu, au sein duquel il se heurte au conservatisme de l’ancienne génération. Réactionnaire et en rupture, Ernest va, au cours des années 1910, 1920 et 1930, attaquer frontalement des notables de l’horlogerie, à l’instar du procès que ce dernier perd face à Auguste RODANET, Parisien lié aux activités de la maison Genevoise Patek Philippe et fondateur de l’École d’horlogerie de Paris, au sujet d’un affiche Lip placardée dans les rues moquant ouvertement RODANET, tout en faisant ainsi de la réclame pour la marque LIP.

1930 – 1943 : La consolidation d’une affaire horlogère Française puissante

Dans une réécriture quasi parfaite de l’Histoire, les années 1930 symbolisent l’avènement d’une nouvelle génération, la troisième, impulsée par Ernest et son frère Camille. Leurs enfants respectifs intègrent tour à tour l’entreprise à des postes clés, dans l’optique de pérenniser l’entreprise familiale, qui fête alors ses 60 années d’existence. Lionel (1902 – 1990) et Frédéric (Fred, 1905 – 1996), fils d’Ernest, se joignent ainsi à l’entreprise, tout comme James LIPMANN, fils de Camille. Le plus célèbre, et celui que retiendra l’Histoire est le second fils d’Ernest, Frédéric, plus connu sous son nom d’après Guerre, Fred LIP.

Digne successeur de son Père, Frédéric s’imposera à la tête de l’entreprise dès 1945, après avoir rejoint l’usine de la Mouillère au poste capital de Directeur Technique en 1936.

Pour en revenir à l’avènement d’Ernest LIPMANN comme puissant industriel Français et honorable passeur de réussite entrepreneuriale, notons simplement qu’Ernest sera fait Chevalier de la Légion d’Honneur au titre de l’enseignement technique le 16 Juillet 1922, puis élevé au grade de Commandeur en 1936, ce qui marque l’accomplissement d’une carrière dédiée au développement de l’industrie.

L’éclatement de la Seconde Guerre Mondiale témoigne de la puissance d’Ernest LIPMANN et de l’omnipotence de l’entreprise qu’il dirige. Son frère Camille étant en délicatesse financière dans les années 1930, va se retirer de la gestion de l’entreprise. Ernest LIPMANN est ainsi seul aux commandes de Lip. Alors que Frédéric LIPMANN organise la poursuite de la production, tant pour fournir l’Armée Française en obus et appareillages divers que pour tenter d’alimenter le réseau HBJO en montres LIP dans l’usine d’Issoudun (Indre) jusqu’en 1941 puis dans l’usine de Valence (Drôme) entre 1941 et Novembre 1942, Ernest LIPMANN reste à Besançon pour surveiller l’usine de la Mouillère, de laquelle il est progressivement écartée par les forces d’Occupation. Ernest et sa femme, Elise LIPMANN, resteront au chevet de l’usine de la rue des Chalets jusqu’en 1943. 

Usine Lip de la Mouillère Seconde Guerre Mondiale et Occupation Allemande 1939 - 1945 @MPC et H-J BELMONT page 23 (1)

Évacuation et pillage de l’usine de la Mouillère par l’armée Allemande en 1944 / Source : M.P. COUSTANS et D. GALAZZO, Lip des heures à conter, Glénat, page 23

Après l’intensification des contrôles de l’Occupant Allemand à Besançon, Ernest et sa femme fuient la cité Bisontine. Ils sont arrêtés à Aix-les-Bains le 5 Novembre 1943, puis conduits au camp d’internement de Drancy (Île-de-France) en qualité de prisonniers d’obédience Judaïque et d’industriel notoire Français. Le 20 Novembre, ils sont transférés par le Convoi N°62 au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Séparés, Ernest (matricule N°7601) et Elisa LIPMANN (matricule N°7602) meurent en déportation le 27 Novembre 1943. Frédéric leur survivra en se réfugiant dans le Vercors, et c’est ce dernier qui poursuivra l’oeuvre de son Père en donnant à l’entreprise LIP un essor nouveau, en 1945.

Profil en Une du Journal politique Le Constitutionnel du Samedi 28 Avril 1906 d’Ernest LIPMANN

Une du Journal politique Le Constitutionnel du Samedi 28 Avril 1906

Journal d’informations politiques fondé par Joseph FOUCHÉ en 1814, ce quotidien de référence, grâce à la richesse de ses informations et à l’acuité de ses analyses, livre un portrait d’Ernest LIPMANN édifiant sur la popularité de ce dernier : 

ERNEST LIPMANN

          Les gens bien informés connaissent sympathiquement le nom entier : mais tout le public en sait et en répète avec admiration la première syllabe. C’est cette première syllabe en effet qui estampille les fameux chronomètres dont la suprématie s’est si vite affirmée parmi nous. Les parisiens avertis n’ignorent pas la physionomie d’Ernest Lipmann. De stature moyenne, dans toute la force de l’âge, un front vaste, des yeux d’observation réfléchie, tout un visage d’énergie qu’adoucit la barbe, il donne l’impression d’une déductivité rapide et d’une volonté qui ne veut qu’à bon escient. 
          Il est à la tête de la célèbre maison Lipmann frères. On sait l’heureuse fortune de sa création le chronomètre Lip.
[………]
          Ernest Lipmann s’est entièrement consacré à son œuvre. Au contraire de beaucoup qui, l’effort donné, attendent le résultat prévu, lui, ne cesse pas l’effort quelle que soit la victoire. Son activité et sa vigilance sont continues; et son labeur méthodique ne s’interrompt jamais. D’ailleurs, il joint à sa suprême compétence technique le mérite d’être un économiste et un administrateur hors du pair. Il en a donné maintes preuves tant comme membre du Comité français des expositions à l’étranger. On sait qu’il a son frère comme précieux collaborateur. L’un et l’autre divisent leur temps entre Paris et Besançon, la maison de gros du boulevard Sébastopol et l’usine de la Mouillère. Mais qu’ils soient ici ou là, leur chronomètre ne peut marquer à chacun que l’heure du succès.

Anatole Mauret
28 Avril 1906

Sources :

  • COUSTANS Marie-Pia et GALAZZO Daniel, Lip, des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
  • MAUERHAN Joëlle, Horlogers et Horlogères à Besançon, 1793-1908, un passé prêt à revivre, Édition L’Harmattan, 2018
  • LIP Fred, Conter mes heures, Édition Parnasse, Paris, 1973
  • Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément
  • www.retronews.fr / Site de Presse de la Bibliothèque Nationale de France, mots-clés : LIPMANN Ernest 1869 à 1943. 
  • www.gallica.bnf.fr / Bibliothèque Numérique de la Bibliothèque Nationale de France, mots-clés : LIPMANN Ernest 1869 à 1943. 
  • memorialdelashoah.org / Recherches sur Ernest LIPMANN et Elisa LIPMANN
1899 : L’ESSENCE D’UNE MANUFACTURE HORLOGÈRE / Le Calibre Lip 20.3

1899 : L’ESSENCE D’UNE MANUFACTURE HORLOGÈRE / Le Calibre Lip 20.3

1899 : L’ESSENCE D’UNE MANUFACTURE HORLOGÈRE / Le Calibre Lip 20.3

Calibre Lip 20.3 montre bracelet LIPMANN 1899 mouvement manufacture

Calibre Lip 20.3 créé en 1899, premier mouvement manufacturé par la Société LIPMANN Frères à Besançon, dans son atelier au 14 Grande Rue / Source : Fond privé HAOND Clément

L’âme de la modernisation industrielle plane en cette fin de siècle (XIXe) sur la Société Anonyme Lipmann Frères. Convertie en S.A. en 1893 par la participation des deux fils d’Emmanuel LIPMANN (et dans une moindre mesure de sa fille, Jenny), Ernest (1869 – 1943) et Camille (1872 – 1947) vont répondre à une demande tout à fait récente en 1899, celle de porter sa montre solidement arrimée au poignet par une lanière de cuir ou de tissu, via l’essor de la montre-bracelet moderne, telle que nous la connaissons aujourd’hui. À cette époque, la montre de poche ou gousset est encore la norme, notamment parce que la miniaturisation des mouvements est un art complexe, non industrialisé et ainsi, réservé à une clientèle fortunée.
Avec une quarantaine de salarié après 1896, la Manufacture Lip aborde donc le XXe siècle par le développement d’un mouvement ancré dans son époque, le calibre Lip 20.3. D’un diamètre de 20 mm, ce mouvement est spécifiquement développé pour équiper des montres-bracelets de faible encombrement, contenu à une trentaine de millimètres de diamètre pour la montre finie. Initialement proposé en deux aiguilles marquant les heures et les minutes, ce mouvement sera, dès 1901, enrichi de l’affichage des secondes par un sous-cadran disposé à 6 heures, afin de toujours mieux ce soustraire aux évolutions de la mode. Fait marquant pour cette Manufacture qui s’affirme sur la scène Nationale, ce mouvement, premier du genre montre-bracelet entièrement développé par Lip, est dès 1899 certifié Chronomètre par l’Observatoire Chronométrique de Besançon, organe officiel et indépendant reconnu internationalement pour ses mesures de précisions en horlogerie.

Atelier montre Lip Lipmann Emmanuel horlogerie 14 grande rue Besançon

Atelier Lip situé au 14 Grande Rue de Besançon
Source : Fond d’archives du Musée du Temps, Ville de Besançon

Au delà de cela, il s’agit d’un mouvement historiquement fort pour la société LIPMANN Frères, puisqu’il signe l’avènement de la Manufacture Lip, car il s’agit du premier calibre entièrement conçu, de l’ébauche aux composants, au sein de l’entreprise Lip, au 14 de la Grande Rue de Besançon. Ce mouvement fait entrer Lip dans une nouvelle dynamique, puisque dorénavant, l’avenir sera marqué par une part croissante de mouvements Lip développés, fabriqués et assemblés en interne à Besançon. Ainsi, 32 années après l’installation d’un atelier d’établissage au 70 Grande Rue à Besançon, Emmanuel, père de cette affaire familiale mais surtout Ernest et Camille LIPMANN, artisans de la dynamique « manufacturière » imprimée à Lip au tournant du XIXe siècle, peuvent admirer le triomphe d’un nom, qui va durablement marquer l’histoire horlogère.

Le calibre 20.3 manufacturé par la S.A. LIPMANN Frères symbolise également l’avènement des deux fils d’Emmanuel comme repreneurs de l’affaire familiale, lui impulsant un nouveau souffle, afin d’affronter avec sérénité le XXe siècle qui se profile. À partir de 1899, une dynamique manufacturière va ainsi s’emparer des frères LIPMANN, Ernest et Camille, qui vont s’entourer d’ingénieurs, de prototypistes, de dessinateurs, afin de poursuivre cette quête vers la rigueur, la qualité et l’exactitude.

Techniquement parlant, ce mouvement est tout à fait remarquable pour son époque. Tout d’abord, son diamètre est contenu à 8 »’ 1/2, soit 19.2 mm, nécessitant une indéniable excellence du parc machines et une précision sans faille dans l’assemblage. L’empierrage est généreux, puisque ce mouvement est doté de 15 rubis synthétique offrant une usure largement amoindrie des pivots. Ce nombre de rubis, tout comme la compacité générale du mouvement, indique qu’il s’agit là d’une montre de qualité, comme le confirme l’échappement à ancre, réservé alors aux montres les plus prestigieuses et précises.

Calibre 20.3 Lip 1er mouvement montre bracelet manufacturé par LIPMANN en 1899

Vue sur le balancier bimétallique et sur une partie de l’ancre du Calibre Lip 20.3 Source : Collection privée HAOND Clément

Le balancier bénéficie d’un grand soin, puisqu’il est en acier spécial à vis compensatrices. D’un diamètre de 8 mm, il est couplé à un spiral à courbe Breguet bleui, qui procure au mouvement des performances de régularité exceptionnelles au début des années 1900. Pour parfaire encore l’efficacité de son premier mouvement manufacturé, les Frères LIPMANN vont l’équiper d’un balancier bimétallique à serge ouverte. Enfin, une finition exemplaire, dans l’ADN Lip car cette dernière est axée sur l’aspect fonctionnel du mouvement, et non pas sur le rendu esthétique, vient compléter le tout. Lip, par la mise en production en interne d’un mouvement de montre-bracelet, le Calibre 20.3, s’affirme ici comme une puissante entreprise de l’industrie horlogère mondiale en devenir. 

Par une constante amélioration des procédés techniques de fabrication et une finition globale exemplaire, le calibre Lip 20.3 est le premier mouvement à ancre de 20 mm à recevoir le titre de Chronomètre de l’Histoire de l’Observatoire de Besançon, dont le service chronométrique voit le jour le 5 Août 1885. Si ce mouvement devait encore provoquer des réticences, , voici une donnée qui marque définitivement la grande qualité de celui-ci. Lip ne pouvait, en 1899, pas mieux lancer sa grande histoire manufacturière (1899 à 1976).

Calibre 20.3 Lip 1er mouvement manufacturé par LIPMANN en 1899 montre bracelet bulletin réglage chronométrique vers 1912

Mouvement Lip 20.3 Source : Collection privée HAOND Clément

Sources :

  • COUSTANS Marie-Pia et GALAZZO Daniel, Lip, des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
  • Collection Lip du Musée du Temps à Besançon
  • Fondation de la Haute Horlogerie.org
  • Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément

Lexique Horloger

Lexique et termes techniques en usage dans l’horlogerie :

  • Balancier : Bimétallique / Compensé / Coupé
  • Chronomètre :
  • Établissage / Établisseur : Dans un contexte de division du travail dans le milieu de l’horlogerie Bisontine, un fabricant, en l’occurrence l’établisseur, se spécialise dans la gestion du travail d’ouvriers très spécialisés qui travaillent généralement à domicile ou au sein de petits ateliers familiaux. Rassemblant ainsi les pièces et travaux réalisés, l’établisseur fait travailler ses horlogers diplômés afin que ces derniers assemblent la montre. Ensuite, l’établisseur se charge de la vente de la montre.
  • Spiral :
1844 – 1913 : Emmanuel LIPMANN

1844 – 1913 : Emmanuel LIPMANN

Emmanuel LIPMANN photographie fin du XIXe 19 e siècle montre Lip Besançon

Emmanuel LIPMANN à la fin du XIXe siècle, deuxième de couverture d’un catalogue Lip sur la construction de l’Usine Lip III de Palente, 1962
Fond privé HAOND Clément

La vie d’Emmanuel LIPMANN est parsemée de flous et d’absences d’archives fiables. Seuls quelques journaux d’époque nous renseigne sur sa vie privée, autre que son rôle de fondateur et ainsi Président Directeur Général de ce qui est devenu une puissante manufacture horlogère, certainement l’une des plus importante de France lorsqu’elle aborde le XXe siècle. Entre 1867 et le début du XXe siècle, Emmanuel mène ardemment son entreprise sur les pentes du succès, non sans peine puisqu’il lui faudra toute une vie pour bâtir les bases d’un empire que ses enfants, puis petits-enfants vont pérenniser.

D’un père vendeur en fournitures ou colporteur de fournitures, en tout état de cause œuvrant dans le milieu horloger, Emmanuel LIPMANN né en 1844, dans la commune de Neuf-Brisach, dans le Haut-Rhin. Son enfance, jusqu’à son arrivée à Besançon dans les années 1860 n’est pas documentée, l’antériorité de cette documentation explique en partie ces manquements. De plus, l’Histoire ne retient que fort peu souvent la vie d’une famille dont la père fut colporteur ou fournituriste dans le domaine de l’horlogerie.

Pour des raisons probablement économiques, et n’ayant pas d’attache dans la région qui l’a vu naître, il émigre vers Besançon au cours des années 1860, disposant alors d’un bagage technique en horlogerie puisqu’il ouvre sur place un atelier d’établissage, dès 1867. Situé au 70 Grande Rue, en plein centre de la capitale du Doubs, cet « atelier » est dès ses débuts au cœur du dynamisme horloger qui marque la ville depuis l’arrivée d’horlogers Helvètes dès 1793, emmenés par Laurent MEGEVAND, et fuyant les persécutions politiques qui s’abattent en Suisse. Artère principale de la ville fortifiée, la Grande Rue de Besançon scinde la « Boucle » en 2 partie, répartissant unitairement la ville.

Quelques données permettent de mesurer l’importance, et ainsi le choix stratégique opéré par le fondateur de « dynastie » LIPMANN à Besançon, que revêt cette rue dans le paysage horloger de la ville, dans les années 1860 à 1900. L’annuaire de la fabrique d’Horlogerie de Besançon 1875 (Imprimerie et Lithographie Ve VALLUET et Fils, 23 rue des Gleres, Édition Besançon, 1875, disponible sur la plateforme GALLICA, BNF) nous renseigne admirablement sur l’effervescence horlogère de la ville à cette époque. Tout d’abord, nous apprenons que 79 corps de métiers organisent la fabrication d’une montre, des fabricants d’aiguilles aux doreurs, des polisseurs aux graveurs, des arrondisseurs aux peintres de cadran en passant par les fabricants d’outillages et les horlogers diplômés. Par une étude attentive, ce document nous apprend que sur le seule Grande Rue, lieu où se trouve l’atelier LIPMANN, 36 fabricants d’horlogerie (établisseurs ou manufacturiers) se distribuent entre le N°2 et le N°140. Ainsi, la rue principale de Besançon compte pas moins d’un fabricant d’horlogerie tous les 22 mètres, soit une boutique sur trois environ. Ceci permet d’apprécier la densité horlogère de cette rue et l’importance d’être bien représenté dans cette dernière.

Une famille va accompagner l’ascension d’Emmanuel LIPMANN, les GEISMAR. Issue de l’immigration vers Besançon, en provenance probablement de l’Est de la France, cette famille va rapidement se lier à celle d’Emmanuel, puisque ce dernier épouse le 28 octobre 1868, quelques mois après la création de son atelier, une fille GEISMAR, Caroline (1845 – Novembre 1930). Les GEISMAR suivent un parcours similaire à celui d’Emmanuel LIPMANN, quelques années auparavant. Nous pouvons, malgré le déficit d’archive à ce sujet, penser que les deux familles, œuvrant dans le milieu de l’horlogerie, vont s’épauler afin de bâtir une puissante affaire au crépuscule du XIXe siècle.

Les années 1880 à 1900 marque l’avènement du patient travail d’Emmanuel LIPMANN, et la naissance d’un souffle nouveau sur l’atelier d’établissage créé en 1867. Le déménagement du 70 au 14 de la Grande Rue, toujours à Besançon, vers 1880 marque la montée en gamme du premier des « LIP ». L’atelier du N°14 se pare d’un comptoir au rez-de-chaussée, donnant sur la rue. Les étages accueillent les Ateliers et sa quinzaine d’ouvriers, réunis sous une seule et unique entité professionnelle (ce n’est pas inédit, mais cela reste tout de même assez innovant en cette fin de siècle). En 1886, l’entreprise désormais appelée Comptoir LIPMANN emploi 40 salariés, plus du double en moins d’une décennie, une prouesse. Ceci s’accompagne des premières réalisations horlogères estampillées Lip ou Chronomètre Lip, fièrement arborer sur le cadran. Emmanuel aborde ainsi les années 1890 avec optimisme, d’autant plus que ses deux fils, Ernest (1869 – 1943) et Camille (1872 – 1947) travaillent dans l’entreprise familiale.

1893 symbolise le franchissement d’une nouvelle étape dans la construction d’une firme d’horlogerie d’exception, puisque sous l’impulsion d’Ernest et Camille LIPMANN, le Comptoir LIPMANN est transformé juridiquement en S.A. d’Horlogerie LIPMANN Frères (disposant d’un capital social de 25 salariés, réduction de près de 38% de l’effectif face à 1886). La mention de « LIPMANN Frères » indique clairement que cette date marque le passage de relais entre Emmanuel LIPMANN, alors âgé de 49 ans, et ses deux fils. Ce « sang neuf » redonne de la vigueur et des ambitions à la jeune Manufacture, ce qui se matérialise de la plus belle des manières par la création, puis la mise en production industrielle en 1899 du premier mouvement de montre entièrement manufacturé par la société LIPMANN. Cette dernière assure toutes les étapes de la fabrication, la création des boîtiers et des fournitures d’habillages, et enfin l’ajustement et l’emboîtage pour finir par la vente à l’échelle nationale, dans des boutiques d’horlogers, avec une volonté de rayonnement affirmée, et marquant les prémices d’une grande aventure industrielle Française.

décès emmanuel Lipmann janvier 1913 journal univers israélite

L’univers Israélite du 31 Janvier 1913, décès d’Emmanuel LIPMANN (1844 – 1913)
Source : RetroNews Bibliothèque Nationale de France

Après avoir officiellement légué son entreprise en 1901, Emmanuel LIPMANN semble se retirer des affaires horlogères tout en poursuivant ses activités au sein de l’univers israélite de Besançon, dans lequel il occupe une place importante, par son statut d’entrepreneur majeur et de bienfaiteur de la ville.

Il meurt aux alentours du 20 Janvier 1913 à Besançon, à l’âge de 69 ans, en ayant forger les bases de ce qui deviendra, 3 décennies plus tard, la première Manufacture Horlogère de France, tant en volume de production qu’en qualité.

 

 

« On nous écrit de Besançon :

Mercredi 22 janvier ont eu lieu les obsèques de M. Emmanuel Lipmann, vice-président du Consistoire israélite, au milieu d’une très nombreuse assistance. Le cortège funèbre ai passé devant la synagogue, dont la façade était tendue de noir et dont les portes ouvertes laissaient voir l’intérieur entièrement illuminé. Le cortège s’est arrêté un instant. M. E. Lipmann était un de ces hommes entièrement dévoués aux choses de notre culte, et qui jouissent partout de l’universelle estime.

MM. le Grand Rabbin, le Président du Consistoire et deux amis appartenant à un autre culte que le nôtre ont rendu d’émouvants hommages à la mémoire de l’homme de bien qui disparaît. »

 

Sources :

  • COUSTANS Marie-Pia et GALAZZO Daniel, Lip, des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
  • MAUERHAN Joëlle, Horlogers et Horlogères à Besançon, 1793-1908, un passé prêt à revivre, Édition L’Harmattan, 2018
  • LIP Fred, Conter mes heures, Édition Parnasse, Paris, 1973
  • Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément
  • www.retronews.fr / Site de Presse de la Bibliothèque Nationale de France, mots-clés : LIPMANN Emmanuel 1867 à 1913.
  • www.gallica.bnf.fr / Bibliothèque Numérique de la Bibliothèque Nationale de France, mots-clés : LIPMANN Emmanuel 1867 à 1913. 
1867 : LA GENÈSE D’UNE ÉPOPÉE INDUSTRIELLE FAMILIALE

1867 : LA GENÈSE D’UNE ÉPOPÉE INDUSTRIELLE FAMILIALE

Plan de la ville de Besançon par L ROUZET Atelier horlogerie et de montre gousset Lip Lipmann au 70 puis 14 Grande rue

Plan de Besançon et son territoire par L. ROUZET (ingénieur voyer), dressé en 1883. Source : Archives Municipales de la Ville de Besançon.

1867 en France :

– L’Empire Français est régie par Louis-Napoléon BONAPARTE depuis 1852.


– Une certaine prospérité économique touche le pays, notamment par la stabilité offerte par le régime politique.

– À Besançon, l’assimilation de la diaspora horlogère Suisse est terminée dans cette seconde moitié du XIXe siècle.

– Il est intéressant de noter que la ville de Besançon compte plus de 200 Ateliers liés à la production horlogère dans les années 1860. Ces derniers produisent environ 300 000 montres par an, soit 95 % de la production nationale.

1867 : LA GENÈSE D’UNE ÉPOPÉE INDUSTRIELLE FAMILIALE

Installé au 14 Grande Rue, niché au sein de « la Boucle » Bisontine, un atelier d’horlogerie proto-industriel voit le jour en cette seconde moitié du XIXe siècle. Face à l’approche tout à fait artisanale des métiers de l’horlogerie qui animent le centre-ville de Besançon à l’époque, Emmanuel LIPMANN va ouvrir un atelier, atteignant rapidement une quinzaine d’employés, afin de produire des montres de poche et quelques luxueuses montres-bracelets produites sur place, assemblées à partir de pièces issues des micro-ateliers spécialisés environnant (de la région Bisontine dont le Haut-Doubs ainsi que des pièces Suisses).

Installé au 70 puis au 14 de la Grande Rue de Besançon, Emmanuel LIPMANN (1844-1913) va être un des premiers artisans de l’industrialisation de la fabrique de montres en France. Initialement établisseur, le premier de la saga LIPMANN va faire passer son affaire d’assemblage de montres dont les pièces proviennent du travail d’ouvriers spécialisés à domicile à un balbutiement de Manufacture horlogère. Une quinzaine d’ouvriers investissent le 14 Grande Rue, offrant à Emmanuel la possibilité de produire ses propres montres, qu’il vend ensuite sur place, par le biais d’un comptoir, bientôt nommé Comptoir Lipmann.

Mais revenons-en au début de l’affaire. Emmanuel, « fils d’un colporteur ou d’un fournituriste » Alsacien émigre vers Besançon avec le statut d’établisseur dans les années 1860. Besançon est en plein développement, l’épanouissement du milieu horloger est alors à son apogée, offrant un milieu favorable à l’édification d’un atelier d’horlogerie. La cité horlogère est ainsi parsemée d’une foultitude d’ouvriers très spécialisés, chacun travaillant sur un type de fournitures, une finition de boîtier, etc … Parfois indépendant, une grande partie de ces ouvriers œuvrent pour le compte d’un établisseur, qui administre tous ces corps de métiers afin de concevoir ensuite dans un atelier final l’assemblage et le montage des mouvements dans un écrin de laiton chromé, d’acier, d’or ou de platine par exemple. C’est dans ce contexte qu’Emmanuel LIPMANN va créer dès 1867 son entreprise d’établissage, usant de fournitures Suisses et Bisontines qu’il assemble avec probablement une petite équipe et dont il assure la vente du produit fini, la montre. Ainsi va naître l’aventure familiale LIPMANN, dans une atmosphère d’émulation horlogère et de prospérité qu’offre le Second Empire, administré d’une main de maître par Louis-Napoléon BONAPARTE.

Emmanuel LIPMANN photographie fin du XIXe 19 e siècle montre Lip Besançon

Emmanuel LIPMANN à la fin du XIXe siècle, deuxième de couverture d’un catalogue Lip sur la construction de l’Usine Lip III de Palente, 1962
Fond privé HAOND Clément

Au fil de la progression de l’affaire d’Emmanuel dans le XIXe siècle, le dynamisme et la notoriété que va obtenir le nom LIPMANN vont progressivement faire basculer ce statut d’établisseur vers celui de manufacturier. Ce passage est assez inédit à l’époque, puisqu’il témoigne de la volonté d’un homme de tendre vers l’aboutissement de toutes fabriques d’horlogerie, la production d’une grande partie des pièces sous l’égide d’une seule et unique entité, généralement au sein d’un même lieu. Cela semble s’opérer alors qu’Emmanuel LIPMANN déménage son affaire au 14 Grande Rue, toujours au centre de Besançon (après 1875). Ceci permet de produire des montres sur place (l’approvisionnement provient parfois, et officieusement de Suisse par exemple), par l’intermédiaire d’une quinzaine d’ouvriers donc. Emmanuel se hisse ainsi dans un cercle très fermé, celui des manufacturiers Bisontins à l’aube du XXe siècle. La clientèle se presse ainsi au Comptoir Lipmann du 14 Grande Rue, afin d’acquérir une montre de poche (ou gousset) soignée, précise et conçue sur place, dans les Ateliers ce trouvant à l’étage de la battisse en pierre, tandis que le rez-de-chaussé accueil le point de vente direct.

En cette fin de siècle, Emmanuel LIPMANN va donc réussir un véritable tour de force, par une vitalité sans faille et grâce à un entourage heureux (ce dernier se lie avec une puissante famille horlogère émigrée à Besançon, les GEISMAR, dont il épouse Caroline en 1868), à faire prospérer son entreprise, à laquelle ses 3 enfants vont apporter, au début des années 1900, un élan nouveau. Il aura fallu le travail d’une génération de LIPMANN pour asseoir la marque LIP, alors réclamée nationalement aux portes du XXe siècle.

Ainsi, comme signe d’aboutissement d’une vie consacrée à l’horlogerie, la fabrique de montres E. LIPMANN va successivement passer de 25 salariés en 1893, pour 1 500 montres produites durant l’année à plus de 2 500 montres de poches conçues au cours de l’année 1895, avec un effectif de 40 salariés. En signe d’accomplissement de cette fabuleuse aventure, les cadrans de certaines montres produites par ce qui est devenu une manufacture horlogère de renom portent la prestigieuse mention « Chronomètre Lip » en cette fin de siècle, une consécration pour le « premier des LIPMANN ».

Facture Emmanuel LIPMANN Lip fabricant horlogerie montre gousset 24 Janvier 1900 Besançon

Documentation administrative de la Fabrique d’Horlogerie LIPMANN en date du 24 Janvier 1900.
Fond privé HAOND Clément


Sources :

  • COUSTANS Marie-Pia et GALAZZO Daniel, Lip, des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
  • MAUERHAN Joëlle, Horlogers et Horlogères à Besançon, 1793-1908, un passé prêt à revivre, Édition L’Harmattan, 2018
  • Fond photographique du Musée du Temps, Besançon
  • Divers fonds des Archives Municipales de la ville de Besançon
  • Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément