Portrait de Rudi MEYER vers 1975, portant une montre Lip Galaxie référence 43764 / Source : Fond privé HAOND Clément
1975 : Rudi MEYER, la passion de la mesure
Dessinée en 1974 sous l’impulsion de Claude NEUSCHWANDER et Marie-Laure JOUSSET, respectivement Directeur Général de la CEH-LIP et Responsable de la collection 1975, la gamme Rudi MEYER est construite dans un projet plus vaste qu’une réalisation purement horlogère. Cette incursion du Design dans l’horlogerie Française s’explique par une conjonction de faits inhérents à la vie mouvementée de l’entreprise Lip, dans cette première moitié des années 1970. Après la mise en liquidation et la quasi-disparition de la marque Lip en Juin/Juillet 1973, Claude NEUSCHWANDER, second de Publicis, est chargé de relancer en 1974 la marque Lip au sein d’une toute nouvelle entité, la Compagnie Européenne d’Horlogerie LIP (CEH-Lip). Dans le cadre de ce renouveau, la Direction de la CEH-LIP va faire appel aux talents de 7 Designers Francophones, dans le but de donner un nouveau souffle à l’image de l’entreprise centenaire. Sous la coupe d’un chef de file qui va naturellement s’imposer, Roger TALLON, un deuxième homme fort de cette collection inédite va émerger, Rudi MEYER.
Né à Bâle (Suisse) le 11 Juin 1943, Rudolf MEYER va rapidement se tourner, et acquérir une sérieuse expérience dans ce milieu, vers le Graphic-Design. Professeur associé à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, il a alors, en 1974 la charge d’un cours en communication visuelle. Reconnu comme un pionnier du design en France, il dispose de nombreux faits d’armes lorsqu’il est approché par la manufacture CEH-LIP. Entre autres, ces principales réalisations évoluent dans le domaine de l’art graphique et des images de marque. Ainsi, les logotypes des marques Prénatal, Ricqlès ou encore de la Banque Nationale de Paris (BNP) sont le fruit de son coup de crayon avisé.
Logo BNP Banque Nationale de Paris 1975; VANDA Cosmétique USA et Prénatal 1966 dessinés par Rudi MEYER / Source : Rudi-Meyer.com
Lorsque la CEH-LIP le contact, au début de l’année 1974, Rudi MEYER est un membre éminent de la jeune agence Design Programmes S.A., fondée en 1973 par un certain Roger TALLON, « pape » du Design en France. C’est vraisemblablement via cette agence, ou par la reconnaissance internationale dont jouit TALLON et à laquelle Claude NEUSCHWANDER ne peut-être étranger que MEYER est recruté pour reconstruire l’image de LIP, mais par la réalisation industrielle cette fois-ci, même si Roger TALLON va redéfinir le logo « Lip », marqueur de l’ère NEUSCHWANDER.
Le Graphic-Design pour une collection intemporelle
Pas moins de 14 montres Lip vont être commercialisées au cours de l’année 1975 sous le trait de Rudi MEYER. Une production prolifique pour ce graphic-designer de talent, qui se décompose nous le verrons rapidement en 2 grandes familles, les Galaxie (9 montres) et une collection de Lip Electronic carrées (6 montres). Le Design est une discipline assez neuve en France en 1974, puisque reconnue comme art à part entière du dessin industriel ou du savoir-faire de l’ingénieur depuis les années 1960 seulement. Outre Atlantique, le Design est un domaine majeur dans l’industrie dès l’après Guerre, et c’est de cela que va s’inspirer le nouveau patron de LIP pour relancer sa marque. La vision spécifique que développe Rudi MEYER, dans la lignée de l’approche fonctionnaliste de Roger TALLON des objets de « Design », symbolise l’idée que la montre est un objet singulier, ayant des critères de compréhension et une expressivité particulière. Ainsi, MEYER explique, au sujet des montres qu’il dessine pour la CEH-LIP au cours de l’année 1974, et qui seront commercialisées en 1975 – 1976 :
« À sa fonction propre – c’est à dire la lecture du temps, des secondes, des minutes et des heures – s’oppose avec force sa fonction signe porteur de multiples notions subjectives ». « Elle [la montre] est le temps et la parure » (Catalogue Lip Design 1975, interview de Rudi MEYER)
Considérée comme un objet spécifique par MEYER, la montre doit avoir une fonction, une destination, un usage. Mais elle doit également dégager quelque chose de son porteur, être un symbole, suffisamment clair pour qu’il soit approprié par l’usager, mais suffisamment vague pour qu’il soit interprété par ce dernier. Ainsi, le designer Suisse va s’attacher à combiner l’aisance de lecture qui est, en 1974, une tâche largement accomplie, à la « parure » de la montre, en somme ce qu’elle représente. Et c’est en cela que le talent du Designer entre en jeu. L’objet final n’est pas beau parce qu’esthétiquement réussi, il est beau parce qu’il est techniquement bien conçu. Il va employer les ressources du graphic-design, en les mettant au service de l’horlogerie, domaine dont il est absolument étranger en 1974.
Deux collections, pour deux odes au Design
Rudi Meyer développe ces objets de communication en plusieurs étapes, qui se concluront par la commercialisation durant l’année 1975 de 14 montres estampillées « Design Rudi MEYER ». Tout d’abord, et à l’instar des 6 autres Designers qui animent les discussions chez Lip, MEYER va se voir confier une année, 1974, pour proposer ses montres, les contraintes techniques autours de ces dernières et les moyens à mobiliser afin de les réaliser. La seule exigence de la CEH-LIP concerne le mouvement, qui doit être emprunté dans le catalogue de fournisseur d’Ébauches S.A., ou dans les calibres que LIP manufacture encore dans l’usine de Palente. MEYER portera son choix sur deux mouvements. Le premier est extrêmement technique, de très haute technologie et dont seul Lip à le secret, avec le calibre R53 Electronic transistoré (conçu, fabriqué et assemblé par Lip à Besançon). Le second est plus conventionnel, puisqu’il est mécanique à remontage automatique, issu des ateliers de la firme Allemande DUROWE.
11 des 14 références de la collection Design Lip 1975 commercialisées d’après le travail de Rudi MEYER / Source : Fond privé HAOND Clement
Rudi MEYER réalise pour Lip 3 séries de montres, réparties dans 2 familles, la première étant composée de montre à ouverture ronde, et la seconde, de montres dont les boîtiers sont carrés, à ouverture octogonale, mais également carrée.
Sur 14 montres commercialisées en 1975, 8 font parties de la gamme GALAXIE, nom donné par le designer à une série de montres rondes et sphériques. Fer de lance de la nouvelle collection Lip pour l’année 1975, ces montres sont dotées de deux types de boîtiers, disponibles en plusieurs teintes. Les cadrans sont lisses et ornés de billes d’acier ou de creux qui indiquent les heures, mais également d’échelles de temps peintes à même le cadran. Les couleurs sont tout aussi variées que les boîtiers, avec du bleu, de l’argenté, du noir. Avec une configuration très ergonomique et une présentation inédite, les montres de la série GALAXIE vont marquer l’histoire du design horloger, malgré un succès commercial mitigé (pour plus de détail sur la Collection GALAXIE, vous trouverez ici un article dédié à ces montres).
Les 6 autres montres usent d’un habillage totalement différent. De forme carrée, 4 sont pourvues de vis de fixation apparentes qui soulignent la technicité du produit, en sublimant la solution technique retenue par le designer pour son objet. Les 2 autres références disposent d’un boîtier carré aux bords fortement arrondis, mais toujours conçu en 2 parties qui viennent s’assembler de part et d’autre du verre. Le verre est sur ces dernières carré et plat. Il revêt un caractère spectaculaire sur les 4 autres références, avec une forme octogonale magnifiquement exécutée (pour plus de détail sur la Collection de montres carrées Electronic dessiné par R. MEYER, vous trouverez ici un article dédié).
En somme, les 14 montres qui compose la série MEYER de la collection Lip Design 1975 adoptent des matériaux ingénieux, une présentation sans équivoque sur la recherche, l’ingénierie et la technique mis en place pour Lip. Rudi MEYER écrira alors, en 1975 :
J’ai voulu faire une synthèse (non excessive) des ces 2 aspects [fonction et parure] de la montre apparemment contradictoires. C’est ainsi que j’ai fait les choix suivants : – des matériaux authentiques, bruts, sobres, mats, – des formes franches et nettes, – et, au lieu de créer des pièces uniques, constituer un puzzle permettant de proposer plusieurs modèles à partir d’un nombre minimum de cadrans et de boîtiers.
L’emploi de l’aluminium pour sa légèreté, sa rigidité et la possibilité de lui appliquer des teintes, par l’anodisation, uniques est un exemple de l’atmosphère dans laquelle évolue ce projet. La pureté des lignes et la douceur des formes, ainsi que la conception de ces montres la symbolise également. Au final, la montre n’est plus un objet uniquement pour soi, mais c’est un objet qui parle aux autres, qui interroge par le design une idée « technico-sociologique » soulevée par l’œuvre de Rudi MEYER. Au delà des montres commercialisées au fil de l’année 1975, la collection MEYER va marquer l’histoire horlogère, et l’histoire du design industriel.
Ce sont aujourd’hui, avec la collection MACH 2000 et la représentation du summum du Design appliqué à l’Horlogerie, des montres très recherchées en tant qu’objets de design et non plus comme de simples montres. Collectionnées, les 14 montres dessinées par Rudi MEYER resteront dans les annales de l’Histoire comme des réalisations abouties, intelligemment construites, et surtout, comme étant la première incursion du Design pour ce qu’il est dans l’horlogerie mondiale. L’oeuvre de Rudi MEYER sera d’ailleurs internationalement reconnue lors du Forum Industrie Design de Hanovre (Pays-Bas) en 1976, lorsque la série de montre Lip Electronic carrée sera primée.
Sources :
M-P. COUSTANS et D. GALAZZO, Lip des heures à conter, Édition Libris, 2000 et nouvelle Édition Glénat, Grenoble, 2017
Ouvrage Collectif, Design « Le Livre » (de 1850 à nos jours l’évolution du design), Édition Florilège, Paris, 1990
Pieter DOENSEN, History of the Modern Wristwatch, Édition Snoeck-Ducaju & Zoon, 1994
T. GRILLET et R. TALLON, Roger TALLON, itinéraires d’un designer industriel, Édition Centre Georges Pompidou, Paris, 1993
Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément dont catalogue Lip pour la Collection 1975, catalogue Lip Design 1975 et catalogue Lip 1976.
Fond de la série 5Z des Archives Municipales de la Ville de Besançon
1969 : La MiniLip, « Ce n’est pas une montre pour minus »
« Elle est grosse (7mm) elle est large (31mm). Elle est lourde, elle a trois cadrans. Ce n’est pas une montre pour minus ». C’est en ces phrases que la Minilip est lancée en 1969, par une publicité qui ne manque pas de malice.
Montre Minilip pédagogique 1969 / Source : Collection privé L. G.
Invention dont l’origine semble se perdre dans les méandres de la liberté « artistique » qu’offre la fin des années 1960, la Minilip fait entrer la manufacture Lip dans le monde de la montre pédagogique spécialement conçue pour l’apprentissage de l’heure. Marché de niche, puisqu’il concerne les enfants ayant entre 6 et 8 ans environ, il concerne tout de même pour l’année 1969, près d’1.5 million de poignets potentiels pouvant se couvrir d’une montre (statistiques Insee). La manufacture Lip, forte de plus de 100 ans d’expérience à Besançon, va s’engouffrer dans cette voie dès la fin des années 1960, en réfléchissant à une montre favorisant la lecture de l’heure, en adoptant le « leitmotiv » Lip d’alors, une montre abordable, mais de grande qualité. Face aux géants de la production de masse, à l’instar de Kelton, de Kiplé, de Timex ou encore de Maty qui produisent au même moment des montres pédagogiques, Fred LIP va penser autrement, en perfectionnant le principe de lecture, et en proposant « une vraie montre suisse à rubis » (publicité sur la Minilip, 1969).
Une montre subtilement technique
Dans une France frappée à la fin des années 1960 par un manque de vitalité religieuse, la montre de communion, première belle montre que recevait généralement filles et garçons aux alentours de 7 ou 8 ans, ne fait plus recette. Quelques modèles de petit diamètre, généralement contenu à 30 mm (lorsqu’une montre homme en fait en moyenne 35 mm) émergent dans les années 1950 et 1960, à l’instar de la Lip Junior. Mais il manque à Lip une montre pour les 6 – 8 ans, afin de convaincre, dès le plus jeune âge, qu’une montre de qualité, c’est une montre Lip.
L’histoire de Lip est parsemée d’innovations, de victoires et d’infortunes car le développement, pour la première manufacture horlogère de France relevait du devoir. La Minilip n’échappe pas à cette règle, puisqu’elle tire sa technicité de l’intelligence qui caractérise son fonctionnement et sa lecture. Disponible en deux versions, plaquée or (5 microns d’épaisseur) ou chromée, la Minilip s’habille d’un boîtier moderne aux arrêtes saillantes, lui donnant un caractère sportif affirmé. Par son mouvement, c’est une montre qui symbolise parfaitement la période complexe que traverse la manufacture Lip en cette fin de décennie. Emprunté au fabricant Suisse Ébauches Bettlach, le mouvement, référence EB 8800, comporte 1 rubis et se caractérise par une très grande fiabilité, tirée de sa simplicité de fonctionnement. Au delà de sa solidité et de son faible coût, il est intéressant puisqu’Ébauches Bettlach, au delà de fabriquer des ébauches, est une filiale du groupe Ébauches S.A., qui dès 1967 possède une part non négligeable d’actions Lip. Nous pouvons certainement remarquer dans ce choix la tentative de gagner des parts de marché pour Fred LIP, mais sous le joug de l’actionnaire Suisse qui causera sa perte quelques années plus tard.
Eclaté du cadran en cercles concentriques de la montre Lip Minilip pédagogique, indication des heures de l’après-midi, des heures du matin, 1969 @Fond privé HAOND Clément
En tout état de cause, ce qui nous intéresse sur cette montre pédagogique demeure être son cadran, animé par un astucieux jeu d’aiguilles. Divisé en 3 parties distinctes, le cadran de la Minilip se différencie par son approche très didactique. Chaque cercle concentrique permet de lire, du plus étroit au plus large, les minutes, les heures du matin et les heures de l’après midi.
Ainsi, le cercle noir en périphérie du cadran marque, par des nombres blancs les heures de l’après-midi. Gradué de 13 heures à 24 heures, ce cercle permet aux enfants de lire aisément l’heure, d’autant plus que la couleur noir est généralement synonyme de nuit, le lien entre ce cercle et l’après-midi ou la soirée est donc logique.
Le cercle intermédiaire doré regroupe les heures de la matinée, entre 1 heure et 12 heures. Les chiffres et nombres sont peints de rouge afin de ressortir et d’être parfaitement lisibles.
Le troisième et dernier cercle, le plus étroit, offre aux enfants la lecture facilité de grands ensembles de minutes, par saut de 5 minutes. Sur fond blanc, se détache des inscriptions noires qui marquent les minutes. Ainsi « C’est pour que tu puisses bien lire et bien dire les minutes. Sur une montre normale, quand la grande aiguille est sur le 1, ça veut dire 5 mn; sur la tienne, c’est plus facile, c’est marqué 5. » (Publicité Lip Minilip 1969). Fred LIP fait ici fi des codes traditionnels, puisqu’il fait écrire, en positif et en négatif, les minutes telles qu’elles sont prononcées.
Enfin, les 2 aiguilles, puisque l’affichage des secondes n’est dans l’optique du public visé pas opportun, servent également la lecture de l’heure. L’aiguille des minutes, la plus longue est soit dorée, pour une montre plaquée or, soit en acier pour les Minilip à boîtier chromé. Afin d’habituer ses jeunes clients à lire l’heure, l’aiguille des minutes est volontairement laissée trop longue, puisque sur une montre d’adulte, l’affichage des minutes se fait sur le bord extérieur du cadran. L’aiguille des heures quant à elle se pare de rouge, qu’importe la référence de Minilip. Cette dernière vient effleurer le cercle doré des heures du matin, dont les chiffres sont également rouges, « Comme ça, tu ne peux pas te tromper » scande la publicité Lip Minilip en 1969. La prédominance de l’affichage des heures est au final logiquement traité, puisque la journée d’un enfant de 6 ou 7 ans n’est rythmée que par les heures : « 7 heures pour le levé, 10 heures pour la récréation, 12 heures pour le repas ou encore 17 heures pour le goûter ». En bref, la manufacture Lip livre ici une vraie montre, pensée pour résister à la vie trépidante des jeunes enfants à qui elle se destine. Par son mouvement, sa présentation qualitative et sa lecture facilitée, cette lip pédagogique dispose de tous les traits caractéristiques d’une Lip d’adulte, pour le tiers du prix.
Un dispositif pédagogique innovant
Au delà de la montre, l’ensemble de la sphère dans laquelle évolue la Minilip est étudiée par la manufacture Lip. Les bracelets en tissu de type « Perlon » portent des couleurs et des motifs inédit chez Lip. Ces fines bandes d’étoffe rapidement interchangeables se glissent sous la montre, afin d’adapter aux humeurs du jours le bracelet de sa première montre. Du bleu, du jaune, du rouge, des bandes, unis ou encore à fleurs, les bracelets sont ingénieux et pensés pour les enfants.
Montres Minilip pédagogiques de 1969 avec bracelet d’origine et fascicule Minilip / Source Collection privé L. G. et J-C. J.
Enfin, pour parachever sa réalisation, Fred LIP accompagne la Minilip d’une vaste campagne de propagande, en faisant distribuer des carnets Minilip (photographie ci-dessus) ou encore, en produisant des présentoirs en plastique moulé blanc dédiés à cette montre. Par ce dernier, nous touchons du doigt l’innovation majeur, témoin du déclin de Lip à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Comme le démontre l’absence totale de référence à la manufacture de montres Lip sur la publicité vantant la Minilip, hormis le suffixe Lip, celle-ci était vendu dans un circuit inexpérimenté pour la firme de Besançon. La Minilip se trouve ainsi en bonne place dans les librairies, dans les papeteries, dans les bars, etc … sur un présentoirs dont la mode était l’apanage de Kelton ou de Timex. Vendues sans écrin et hors des traditionnels H.B.J.O. dont Lip prenait soins en leur accordant l’exclusivité de la marque aux 3 lettres, la Minilip est le symbole de la nécessaire diversification de la manufacture familiale. Dans une atmosphère de crise financière qui couve, Fred LIP se résout, non sans animosité et véhémence comme le montre ses échanges écrits avec les responsables de la communication et de la vente sur le projet Minilip en 1969, à vendre des montres dans ces lieux atypiques pour l’horlogerie. Malgré un prix très intéressant de 59.90 Francs, la diffusion de la Minilip sera assez restreinte, notamment à cause du retard pris dans la fabrication des présentoirs, indispensables pour présenter et vendre les montres. Hantise de Fred LIP, qui dans une lettre confidentielle aux Horlogers Lip alertait la profession du danger des montres « jetables, vendues en bureaux de tabac et qui finiront au fond d’une poubelle » (Timex et Kelton sont ici visés), la Minilip, par son infortune témoigne de l’échec de Fred LIP à re-dynamiser sa société, avec les suites que nous connaissons aujourd’hui, un puis deux conflits sociaux dans les années 1970, et une liquidation définitive en 1976.
Sources :
M-P. COUSTANS et D. GALAZZO, Lip des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
Fond de la série 5Z des Archives Municipales de la Ville de Besançon, et notamment les fonds 5Z163 et 5Z164 rellatifs à la Publicités Lip entre 1962 et 1973.
Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément
Dépliant publicitaire pour présenter la nouvelle montre Lip Nautic-Ski Electronic étanche en 1967 / Source : Collection du Musée du Temps (Besançon)
Montre officielle des XeJeux Olympiques d’Hiver de Grenoble en 1968, dont Lip est chronométreur en partenariat avec Omega (Manufacture Suisse), la Lip Nautic-Ski Electronic est une référence du catalogue Lip de la fin des années 1960 à 1981. Également montre célébrant le centenaire de Lip (1867 – 1967), elle est présentée comme fer de lance d’une production dont la fiabilité et la qualité ne sont plus à démontrer. Montre de plongée au tempérament d’aventurière, la Nautic-Ski est le fruit d’un long processus de développement, usant des meilleurs composants et solutions technologiques de l’époque.
Première montre de plongée Française étanche à 200 mètres de profondeur, elle use d’un boîtier Supercompressor très technique à deux couronnes directement issu de la manufacture E.P.S.A., ainsi que d’un mouvement unique, propre à la fabrique de montres Lip, l’Electronic R184 Dato. Telle que le scandait la publicité promouvant la Lip Nautic-Ski Electronic en 1967 :
« Lip est toujours en avance d’une monte »
Un écrin d’acier pour un mouvement Lip inédit, l’Electronic R184
Montres Lip Nautic-Ski Electronic référence 42.605 (cadran gris, en haut) de 1969 et Lip Nautic-Ski Electronic référence 42.554 (cadran noir, en bas) de 1967 / Source : Fond privé HAOND Clément
La raison d’être principale de la Nautic-Ski Electronic tient dans une partie de son patronyme, « Electronic ». Sous un anglicisme déroutant pour une manufacture Française, se cache une technologie exceptionnelle, fruit de près de 15 années de recherches Lip. Ni totalement mécanique, ni totalement électronique comme peut l’être un mouvement Quartz, l’Electronic Lip se caractérise par l’usage d’une pile en lieu et place du ressort de barillet, annulant ainsi la fastidieuse tâche du remontage quotidien d’une montre mécanique conventionnelle.
Évolution du Calibre R148 breveté par Lip, le R184 en est la variante Dato, dénomination commerciale du système de calendrier sur un mouvement d’horlogerie chez Lip. Le R148, commercialisé dès la fin d’année 1962 succède immédiatement au trop novateur Calibre R27, premier mouvement électromécanique d’Europe, et second au monde. Ce dernier, bien qu’étant d’une conception technique jusqu’ici jamais vue en horlogerie, va souffrir de son lancement précipité, et d’une fiabilité aléatoire, le cruel sort de ce qui est en avance sur son temps. Mais Lip redresse la barre, emmenée par un patron, Fred LIP, aventurier et fantasque. Ainsi, 4 ans après la commercialisation du R27, le R148 lui succède. Plus performant, plus compact, ne nécessitant qu’une seule pile et d’une fiabilité largement accrue, ce mouvement va faire la richesse économique et technologique de la manufacture Lip, en relançant l’usage de l’électricité en horlogerie.
À gauche : Mouvement Electronic Lip R148 / R184 À droite : Mouvement mécanique à remontage manuel Lip R23 / Source : Service Histoire Lip
Pour simplifier le principe de fonctionnement de ces mouvements, nous pouvons tout d’abord partir du fait qu’une pile électrique remplace le traditionnel ressort de barillet, lame d’acier spiralée qui, une fois comprimée, fournie la force motrice du mouvement en se détendant progressivement. Cette pile délivre du courant à une bobine, cette dernière emmagasine alors de l’énergie, puis la communique au balancier à un instant T, sous forme d’impulsions électromagnétiques. À la manière d’un électro-aimant, le cycle s’auto-entretient pendant plus d’une année, avec une régularité inédite pour l’époque. Un échappement direct « compte » ces oscillations, puis il les transmet à un train de rouages classiques qui affiche l’heure par un jeu de trois aiguilles sur le cadran.
Principe de fonctionnement des mouvements Electronic Lip R148 et R184 issu d’un fascicule technique destiné aux horlogers réparateurs Lip / Source : Fond de documentation privé HAOND Clément
L’emploi d’une micro-pile comme organe moteur du mouvement, et de la force electro-magnétique comme organe régulateur est unique à ce niveau de commercialisation et d’automatisation. Ne croyant pas en l’avenir du remontage automatique d’un mouvement mécanique, Fred LIP et son bureau d’étude horlogère vont œuvrer à la conception, puis à la fiabilisation de la technologie Electronic Lip dans les années 1950 et 1960. La manufacture bisontine est seule, dans le paysage horloger mondial, à développer commercialement l’électro-mécanique entre 1945 et 1980. Solution technique plus complexe, mais plus efficiente que le remontage automatique, l’Electronic Lip offre une stabilité de réglage et de fonctionnement inédite, y compris lorsque la montre n’est pas portée. Le savoir-faire technique des services internes Lip de l’usine de Palente, l’expérience plus que décennale concernant la standardisation des coûts et la facilité d’exécution acquise par Lip font le reste, en propulsant les mouvements R148 (1962) puis R184 (1964) au panthéon des innovations horlogères.
Ainsi, au milieu des années 1960, Fred LIP possédait un mouvement révolutionnaire, innovation majeure qui marque la maîtrise technique complète de la marque phare de Besançon. Cette technologie symbolise l’affrontement entre la technique Française, et plus précisément celle de Lip avec l’Electronic, et la technologie Suisse, basée sur l’usage du remontage automatique. Lip se devait de démontrer la prééminence de l’Electronic par une montre singulière, aussi technique que l’est le mouvement R184 qui l’anime, symbole de 100 ans d’avant-garde Lip. C’est dans cette atmosphère que prend racine le projet Nautic-Ski Electronic, au milieu des années 1960.
Super-Compressor, pour une montre « Super-étanche »
Publicité E.P.S.A. de 1964 / Source : Service Histoire Lip
Un mouvement anime la montre, mais il lui manque une carrure. Le boîtier sera rapidement trouvé auprès de la manufacture de boîtes Suisse E.P.S.A., acronyme d’Ervin PIQUEREZ Sociéte Anonyme. Pièce d’acier inoxydable « super-étanche » comme le vantait les publicités Lip de l’époque, la Nautic-Ski va être pourvue du meilleur de ce qui se faisait à l’époque en matière de boîtier de montre de plongée. Le « Super-Compressor », marque et modèle déposé par E.P.S.A. dans les années 1950 se distingue par plusieurs systèmes brevetés spécifiques à la pratique de la « plongée sous-marine de type professionnel ».
Principale caractéristique du boîtier Super Compressor EPSA, sa lunette interne, et par extension, les deux couronnes à 2h et 4h. La couronne située à 2h permet de contrôler la rotation de la lunette interne, celle qui se trouve à 4h permet, dans le cas du mouvement Electronic Lip R184, de régler l’heure à la manière d’une couronne de remontage traditionnelle. Surdimensionnées et épaisses, elles sont faciles à manipuler en immersion, y compris avec des gants par exemple. La résistance qu’opposent les joints toriques qui assurent l’étanchéité du boîtier sur cette partie exposée de la carrure permet de limiter les manipulations involontaires lors de la plongée. Nous y reviendrons par la suite, mais les couronnes sont initialement, et sur une courte période signées du logo Lip. Après 1967, elles seront systématiquement striées sur les modèles à boîtiers rond et sur les Super Nautic-Ski, sur les Lip Nautic-Ski à boîtier coussin, les 2 couronnes sont lisses. C’est également pour une plus grande sécurité que la lunette chronographique se trouve sous le verre. Ainsi protégée par un épais dôme de verre minéral (ce dernier doit résister à une pression de plus de 20 bars aux alentours de 200 mètres de profondeur, soit une force verticale de plus de 20kg par cm2), la lunette ne peut donc pas, par maladresse, être manipulée. Cette lunette joue un rôle vitale pour les plongeurs dans les années 1960. Le zéro de celle-ci (matérialisé par un triangle de matière luminescente type Tritium) est aligné au début de la plongée sur l’aiguille proéminente des minutes. Au cours du déroulé de la plongée, l’aiguille des minutes poursuit son défilement. Il suffit ensuite de noter ses temps de plongée parallèlement aux profondeurs lues sur le profondimètre que porte tous les plongeurs en bouteille. Ensuite, un rapide calcul via une table de plongée, et le plongeur connaissait ainsi les temps de paliers nécessaires pour sa remontée vers la surface, sans risque d’accidents de décompression.
Brevet boîtier Super Compressor EPSA Lip Nautic Ski Eletcronic / Source : Service Histoire Lip
Seconde caractéristique du boîtier Super Compressor du manufacturier E.P.S.A., son fond spécifiquement pensé pour la plongée sous-marine. Problématique majeure qui s’oppose à l’étanchéité d’une montre, la pression qu’exerce la colonne d’eau au dessus du plongeur va être utilisée par E.P.S.A. pour renforcer l’imperméabilité de son boîtier. Ainsi, le fond vissé monobloc en acier inoxydable (signé du blason de la manufacture Lip à l’extérieur, et du scaphandre de la manufacture Piquerez) repose sur un ressort. Le fond ne comprime donc pas totalement le joint torique de boîtier. Ce stratagème permet d’une part une contrainte moindre du joint, mais surtout, le fond dispose d’une toute petite part de mobilité. Ainsi, l’augmentation proportionnelle du couple pression/profondeur exerce sur le fond de boîtier une force de plus en plus grande, qui comprime à son tour le joint. Le système EPSA offre une étanchéité à 200 mètres uniquement lorsque l’usage le nécessite.
Un nom légendaire pour une grande montre
S’adaptant aux demandes stylistiques changeantes, la manufacture Lip va employer 3 boîtiers différents en provenance directe des ateliers d’E.P.S.A.. Le boîtier rond classique va cohabiter avec un boîtier massif qui recouvre les couronnes, pour augmenter le degrés de sécurité en plongée. Un troisième boîtier va être employé à partir des années 1970, ce dernier se trouvant à mis chemin des deux précédents avec une forme coussin, les couronnes se trouvant à moitié encastrées dans la carrure.
3 variantes de boîtiers montres Lip Nautic Ski et Super Nautic Ski / Source : Service Histoire Lip
Afin de parachever sa réalisation, Fred LIP va affubler sa montre d’un nom mythique, qui vient surplomber la technologie Electronic sur les divers cadrans permis par 14 années de production. Nautic-Ski, deux termes accolés qui ne sont pas dénués de sens, l’illustre patron de la manufacture Lip étant un homme plein de ressources. L’affiliation à Nautic est assez limpide, puisque la vocation primaire de la Nautic-Ski Electronic est la plongée sous-marine, et plus globalement le milieu aquatique. Certainement dans une logique d’internationalisation, et pour suivre l’exemple de l’Electronic, la mention Nautic use alors d’un anglicisme. Pour ce qui est du suffixe Ski, il faut en chercher la raison dans la passion que partage Fred LIP et sa fille, Muriel, celle du Ski Alpin qu’ils pratiquent à haut niveau. Cette dernière étant par ailleurs membre de l’Equipe de France de Ski Alpin dans les années 1950, il n’en fallait pas plus pour donner un nom à la montre du centenaire Lip (1967). Également désignée comme montre officielle des Xe Jeux Olympiques d’hiver de Grenoble en 1968, le dénomination Nautic-Ski trouvait là toutes ses lettres de noblesse.
Du poignet de plus grands … au déclin de la première manufacture horlogère de France
Dès sa promotion officielle en 1968, la Lip Nautic-Ski, puisqu’à cette période il n’existe qu’une seule variante, la référence 42.554 (boîtier rond, cadran noir), et en astucieux publicitaire qu’est alors Fred LIP, va s’afficher aux poignets de stars d’alors. Personnalités du sport notamment, la Lip Nautic-Ski est la partenaire de Jean-Claude KILLY, ou encore des sœurs GOITSCHEL pour les Jeux Olympiques de Grenoble, début 1968. D’ailleurs, elle équipera l’ensemble de la délégation Française à Grenoble. Il en sera de même pour les XIXe Jeux Olympiques d’Été de Mexico, qui se tiennent la même année, où, sur décision du Ministère de la Jeunesse et des Sports, la totalité des athlètes recevra une Nautic-Ski. Il est toutefois intéressant de noter qu’une Lip Nautic-Ski spéciale, gravée des anneaux Olympiques est offerte fin 1967 aux meilleurs horlogers dépositaires de la marque Lip et à certains horlogers Lip de la région Grenobloise, lors d’une entrevue inédite de Fred LIP.
Symbole du degré d’exigence absolu dont Lip S.A. d’horlogerie va faire preuve, la Nautic-Ski va rythmer les harassantes journées de mer du grand navigateur Français Eric TABARLY. Pourvu d’une « N-S » référence 42.554 à boîtier rond et cadran noir, le skipper hors-pair, vainqueur de nombreuses courses à bord des novateurs « Pen Duick » de sa conception va couvrir de gloire, à l’instar des Himalaya des années 1950, sa montre Lip. Parfaitement étanche jusqu’à 200 mètres de profondeur, munie d’une lunette permettant le calcul de temps de navigation et invariablement précise grâce à son mouvement Electronic, elle est la montre d’excellence pour le navigateur. Ainsi, quoi de plus exigeant qu’un skipper en compétition pour démontrer l’infaillibilité de la Lip Nautic-Ski, quelque soit les conditions qu’elle affronte.
Au delà de célébrités, la Nautic-Ski est la « tool-watch » idéal pour nombre de corps de métier ou de passion. Majoritairement achetées dans le marché civil, les Nautic-Ski vont servir aux pompiers, aux plongeurs-secouristes, aux amateurs d’apnée, aux sportifs accomplis pratiquants le ski, la natation, le sport automobile, et autres sports d’actions. Ajoutons à cela les scientifiques travaillant en milieu humide, à l’instar de certains équipiers de missions Cousteau dans les années 1960 et 1970. Anecdote personnelle au cœur du récit, la montre Lip Nautic-Ski Electronic référence 42.605 à cadran gris et bracelet Tropic Star (manufacture Suisse de bracelet en caoutchouc vulcanisé) d’origine présentée plus haut a servie son premier et unique propriétaire, Monsieur P., lorsqu’il était, à la toute fin des années 1960 et durant les années 1970, successivement maître nageur, pompier puis sapeur-pompier plongeur et entraîneur d’une grande équipe de Kayakistes. Pour toutes ses activités liées au milieu aquatique, et nécessitant de pouvoir calculer rapidement des temps, la Lip Nautic-Ski, lorsqu’il la vu chez l’horloger de son village, c’est immédiatement imposée. Et ce fut son cadeau pour l’année 1969.
Aboutissement technologique de l’ingénierie Lip par son mouvement unique et son design, primauté du savoir-faire horloger avec un boîtier Suisse techniquement remarquable, la Nautic-Ski, telle que la citait la publicité en 1967 est :
… la dernière audace de 100 ans d’avant garde chez Lip
Boîtier EPSA Swiss Made Super Compressor breveté et étanche à 200 mètres de profondeur. Singulier par sa lunette interne bidirectionnelle et ses doubles couronnes. Le tout, réalisé dans un bloc d’Acier Inoxydable de haute qualité, fond vissé à empreinte polygonale. 3 variantes vont se côtoyer, un boîtier rond classique, un boîtier coussin et un boîtier rond massif.
Mouvement Electronic Lip R184 entièrement conçu, dessiné, testé et manufacturé par Lip S.A. d’horlogerie à Besançon, au cœur de l’usine de Palente. Révolutionnaire car il ne se remonte pas, assure un fonctionnement et une excellente précision durant plus d’une année, le R184 est réalisé sur base du Lip R148 dont il est la version à quantième (DatoLip) :
Seconde centrale directe Calendrier à guichet Ø 26 mm Épaisseur : 6.750 mm Exécuté en 14 rubis Laiton spécial horlogerie
Cadrans : systématiquement à larges indexs recouvert de Tritium. 4 configurations d’indexs vont s’échelonner au fil des années : type référence 42.554 / type référence 42.608 / type référence 42.685 / type référence 42.827. 13 variantes de couleurs vont se côtoyer, pour livrer 20 modèles de Nautic-Ski ou Super Nautic-Ski différents.
Verre fortement bombé et très épais, réalisé en matière minéral, spécifique au boîtier Super Compressor, une creusure permet de laisser libre la lunette interne (certains verre actuel ne se montent pas, ou bloque la lunette par l’absence de cette creusure).
Bracelets : D’origine, quasiment toutes les Lip Nautic-Ski et Super Nautic-Ski étaient équipées de bracelets Tropic fabriqués en Suisse. De type imputrescible, ils étaient assortis à la couleur du cadran de la montre (noir, bleu, gris, vert, orange, les combinaisons sont presque infinies). Lip va utiliser des Tropic classiques quadrillés et des Tropic Sport (grands trous) en monte d’origine sur les Nautic-Ski et Super Nautic-Ski. Nous pouvons toutefois noter une exception, puisque la Super Nautic-Ski sera proposée entre 1970 et 1973 avec un bracelet métallique d’origine, sous la référence 42.657 (un Tropic Sport bleu reste disponible, 42.684).
Production entre la fin Août 1966 et 1981, commercialisation entre 1967 et 1981.
Sources :
M-P. COUSTANS et D. GALAZZO, Lip des heures à conter, Édition Libris, 2000 et nouvelle Édition Glénat, Grenoble, 2017
Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément
Fond de la série 5Z des Archives Municipales de la Ville de Besançon, dont notamment un fond sur la publicité Lip par Publicis pour l’année 1967.
1960-62 – 1981 : L’usine Lip de Palente, « le rêve de Fred LIP »
Photographie aérienne de l’Usine Lip III Palente en 1967 / Source : Fond privé HAOND Clément
Majestueux édifice qui se dresse au cœur d’une forêt de verdure, en périphérie Est de la cité horlogère de Besançon, le domaine de Palente va être le décor de l’édification d’une citadelle industrielle à la gloire de son seigneur, au tournant des années 1960. Fred LIP, puisque c’est le nom de ce valeureux horloger Bisontin, en est le commanditaire dès le milieu des années 1950. La construction de son usine, selon ses plans et exigences de modernité dès 1960 marque l’apogée du fleuron de la production horlogère Française et Européenne, que la manufacture de montres Lip symbolise.
« La nouvelle usine (Lip) de Palente est conçue pour les vingt années à venir » (Bulletin Lip de Mars 1961)
On ne fabrique pas 500 000 montres [par an] dans une usine prévue pour une cadence de 50 000, mais bien plutôt dans une une usine prévue pour un million. Cette usine, c’est LIP III (Message de Fred LIP dans le Bulletin Spécial LIP III Besançon Palente de Mars 1961)
C’est en ces quelques mots que tient l’élément fondamental de la construction d’un nouvel ensemble de production pour la décennie 1960, qui devra être marquée par l’heure Lip. Depuis le début du XXe siècle, l’affaire Lip, qui verra se succéder 3 générations de LIPMANN, est une des firmes les plus prospères de France et d’Europe. Ceci aura pour conséquence de transporter l’atelier artisanal de production du 14 de la Grande Rue à Besançon (au cœur du centre ville) à l’usine du quartier de la Mouillère (rue des Chalets) en 1903. Mais à la reprise de l’affaire familiale par Fred LIPMANN, en 1944 – 1945, l’augmentation de la production surpasse les capacités viables de l’usine de la Mouillère, et la nécessité de construire une nouvelle entité se fait, plus que jamais, pressante au milieu des années 1950.
La notoriété de la manufacture Lip est à son paroxysme depuis la création du Comptoir LIPMANN en 1867, par Emmanuel. Sur le plan économique, la S.A. LIP, en 1960, est la 8e puissance horlogère mondiale avec 550 000 montres empierrées produites sur l’année (Omega, par exemple, se trouve en 6e position avec 750 000 montres fabriquées). L’agrégation de nouveaux départements qui viennent s’ajouter au secteur de prédilection de Lip qu’est l’horlogerie et la fabrique de montres impose également d’agrandir l’usine (un département machines-outils voit le jour, un équipements civiles et militaires également, etc …).
Photographie de l’usine LIP III de Palente en construction en 1960 issue du Service Photographique Interne Lip / Source : Bulletin Spécial Lip Palente de Mars 1961, Fond privé HAOND Clément
Mais au delà de ces considérations techniques et économiques, la construction d’une nouvelle usine tient en la personne de Fred LIP, qui souhaite marquer l’histoire par un édifice à son image, et quoi de plus parlant pour un industriel que de laisser à l’exaltation contemporaine puis à la postérité son usine. De plus, ce fantaisiste patron veut offrir un espace de travail sain, aéré, vivifiant et favorisant le travail bien fait et la qualité de sa production à ses salariés. Cela fait écho au tentaculaire réseau de l’usine de la Mouillère, fait de bâtiments disparates et qui occupe la quasi totalité de la rue des Chalets, à Besançon.
Du « Domaine de Palente » à l’usine la plus moderne d’Europe.
Ainsi, dès 1953, le terrain du « Domaine de Palente » à quelques kilomètres au Nord-Est de la cité horlogère de Besançon est acheté par la société LIP S.A. d’horlogerie. Dès la fin des années 1950, Fred LIP mûrit un projet grandiose, presque pharaonique au cœur d’un havre de paix verdoyant. Histoire dans l’histoire, le « Domaine de Palente » fut l’apanage du Baron de Palente Jacques TERRIER, qui le possède de 1809 à 1849, date de sa mort. Vendu successivement, il sera acheté par Fred LIP en 1953.
À gauche : Passerelle de l’usine Lip-II de la Mouillère, années 1950 À droite : Passerelle de l’usine Lip-III de Palente, en 1966 / Source : Fond privé HAOND Clément
60 000 puis 90 000 m2 de terrain appartiennent alors à la manufacture Lip, en plus du château de l’ancien Baron de Palente. Sur ces 9 ha, Fred LIP et son cabinet d’architecte dirigé par Olivier POMPONNE DE BAZELAIRE lance, le 15 Mars 1960, la construction d’une usine de fabrication horlogère de 24 000 m2, deux fois plus vaste que la vieillissante usine de la Mouillère. Construite autour de 2 puis 3 corps de bâtiments reliés par une passerelle chère au cœur de Fred LIP, celle-ci lui rappelant la passerelle de l’usine de la Mouillère, il s’agit d’une des usines les plus spacieuses d’Europe.
Vue extérieure de l’usine Lip III de Palente dans les années 1960 sur les ateliers de production / Source : Archive du Musée du Temps (Besançon)
Immédiatement prévue pour accueillir les 1500 employés de la manufacture Lip, cette cathédrale d’acier et de verre se démarque par sa modernité, tant dans la conception des espaces que par les équipements innovants qu’elle renferme. Les plans sont conçus selon les demandes de chaque service, et sous la coupe de la discipline sociologique, puisque le sociologue M. FERRAND supervise et oriente la conception de la future usine (il mène une étude d’une année dès 1955 pour Lip). Dès le 8 Septembre 1960, les premiers Lip intègrent l’usine flambant neuve de Palente, dont la majeure partie est encore en construction. Un ravitaillement routier s’organise pour faire la jonction entre les deux usines, puisque la Mouillère reste en activité. Au fur et à mesure de l’avancement des travaux à Palente, des services complets déménagent la veille de la rue des Chalets, pour poursuivre le travail abandonné la veille à la Mouillère, le lendemain à l’usine de Palente. La production ne sera jamais stoppée, ce qui représente une prouesse pour une usine de cette envergure.
Sans totalement renier la tradition horlogère, l’usine de Palente se part de larges baies vitrées rectangulaires afin d’inonder de lumière naturelle les ateliers de production. Le plus grands des 3 bâtiments dispose d’un système d’éclairage zénithale, la lumière provenant donc du plafond, limitant les risques de réverbérations et d’éblouissement pour la partie fabrication. Le reste des locaux bénéficient d’un éclairage latéral. L’éclairage naturel fourni par le soleil est complété par un système d’éclairage artificiel. Architecture d’acier, de verre et de fines dalles de bétons , la disposition des bâtiments tient compte de deux facteurs : Dans un premier temps, de l’issue des études sociologiques et internes menées par Lip entre 1955 et 1957, puis, dans un seconde temps, du terrain et des prérogatives de résistances au poids des machines notamment. Initialement, un seul corps de bâtiment devait contenir l’ensemble des Groupes Lip qui animent jusqu’en 1960-1962 l’usine de la Mouillère. Le choix sera finalement porté sur un ensemble de 3 bâtiments, organisé autour du bâtiment de production (N°3 sur la photographie ci-dessous). .
Vue aérienne de l’usine Lip III de Palente vers 1965 / Source : M-P. COUSTANS et D. GALAZZO, Lip des heures à conter, Glénat, 2017, page 35
Le bâtiment N°3 renferme l’Atelier de fabrication, d’où la matière première pénètre par la partie Nord, et ressort en pièces finies prêtent à être assemblées. Se développant sur 2 niveaux, sa surface occupe 10 700 m2. À son extrémité Sud, le local N°2 concerne la centrale des fluides, reconnaissable à son toit en dents de scie différent du reste de l’usine. Dotée d’une gestion automatisée, cette section technique gère les fluides de Palente, dont les diverses huiles, l’eau, l’air comprimé et une pompe à vide pour l’outillage des horlogers. Ce développement massif, point névralgique pour la production, est enserré par 2 édifices. À sa gauche, relié par une première moitié de passerelle, se trouve les vestiaires, les douches et le vaste restaurant d’entreprise (N°1). À l’opposé, le plus petit des 3 bâtiments accueil en N°4 l’assemblage du département horlogerie, et en N°5 les locaux commerciaux, administratifs, de réceptions et de la direction, dont le bureau de Fred LIP qui se devine au premier étage, en façade, dans le prolongement de 6 baies vitrées. Développé sur 3 et 4 niveaux, il couvre une surface de 7 000 m2.
En plus de multiplié par plus de deux la surface de l’usine, Lip III – Palente apporte un lot important d’innovations technologiques et ergonomiques dédiées aux salariés de la firme Bisontine. Dans cet esprit de « Patron-Social », qui sera l’étiquette de Claude NEUSCHWANDER lorsqu’il reprend l’affaire Lip en 1974, Fred LIP prend soin de ses employés pour se garantir leur fidélité et leur savoir-faire. Un ouvrier ne dira t-il pas lors du premier conflit Lip qui éclate en 1973 « que chez Lip, on fait parti de l’élite horlogère ». Le parc machines est renouvelé pour suivre le passage du 110/220 volts au 220/380 volts, et pour bénéficier des meilleures technologies. Des machines-outils Suisses, Allemandes, Françaises mais également de conception Lip grâce au concours de la Société Oranaise de Construction (S.O.C. / Propriété de Lip) sont installées à Palente. Preuve d’une modernité sans faille, l’âge moyen de l’équipement de l’usine de Palente ne dépasse par 6 années en 1962. Deux chaudières assurent la constance de la température dans l’ensemble de l’usine, le tout étant réglé automatiquement, sans intervention du personnel technique. Les planchers sont en dalles métallisées, afin de les rendre le plus anti-poussière possible. Ennemi de premier ordre dans la conception horlogère, la poussière est bannie de l’usine par un puissant système de filtration de l’air. Les services nécessitant une constance absolue de la température sont même équipés, dès le début des années 1960, de l’air climatisé, à l’instar de la métrologie ou du service de chronométrie. Enfin, le large parc qui ceinture l’usine apporte certes un cadre agréable de travail, mais la conservation de tous les arbres, y compris ceux ayant été déplacés lors de la construction de l’usine, sert également de bouclier naturel contre la poussière.
Une usine à l’image de son patron … et célébrant son génie
Fin mai 1962, l’ensemble des activités de l’usine de la Mouillère ont été déménagé, l’usine Lip III-Palente est pleinement opérationnelle. L’usine est officiellement inaugurée le 8 Septembre 1962, en présence d’une délégation d’officiels de la région, mais également de l’échelle nationale, puisque le Ministre de l’Industrie en personne, Michel-Maurice BOKANOWSKI, fait le déplacement. D’anciens élèves de l’Ecole d’Horlogerie de Besançon, « l’Horlo », sont également conviés, tout comme le directeur de cette dernière à l’époque. Déambulant dans une usine flambant neuve, ce parterre d’invités venus célébrer Fred LIP et l’entreprise qu’il administre évoque un lieu extraordinaire dédié à la production horlogère d’élite. Par ailleurs, l’histoire retiendra la célèbre maxime de Fred LIP qui, une fois la visite ministérielle cadencée menée à son terme, déclarera « Messieurs, nous avons battu un record puisque je vais vous libérer avec 7 minutes d’avance !« .
Fresque par Gaston GOOR réalisée à la demande de Fred LIP dans le hall de réception de l’usine Lip III de Palente en 1962 / Source : M-P. COUSTANS et D. GALAZZO, Lip des heures à conter, Glénat, 2017 et M. VIDAL-LIP, page 38-39
Mais ce qui frappe d’étonnement les visiteurs de Palente reste l’immense fresque qui orne le mur de la réception de l’usine, que surplombe le bureau de Fred LIP. « La chronologie du temps« , œuvre du peintre Gaston GOOR, est une demande spéciale du patron de la manufacture Lip qui vise à célébrer l’histoire horlogère, mais surtout à magnifier l’histoire horlogère de Lip, et de Fred LIP. Ce dernier est évidemment représenté, au centre et en habit du XVIe siècle, discourant avec Galilée. Son père Ernest devise sur la droite avec Einstein, tandis qu’un flot d’inventions Lip traverse la scène, suspendues dans le ciel par une force enchanteresse. Des muses, des anges et deux calendriers zodiacaux complètes la scénographie, sur fond de vallée céleste, empruntée aux plus belles descriptions du Paradis. Ayant eu la faveur de faire éditer des poèmes en 1960, Fred LIP est passionné de sciences mais également de littérature et de faits intellectuels, allégoriques, ce qui explique cette mise en scène stupéfiante dans le hall de son usine. Palente est à l’image de ce que Fred LIP est, une source de génie intarissable, mais au caractère fantasque. Le sérieux se mêle à l’espièglerie, tant dans le bâtiment que dans la psychologie du personnage qui l’administre.
Bustes en bronze d’Emmanuel LIPMANN, fondateur de l’entreprise Lip en 1867 et emplacement des deux statues, en 1967 / Source : Fond privé photographique HAOND Clément
Comble de l’éloge que Fred LIP livre à son patronyme, et à ceux de sa famille l’ayant porté avec lui dans sa version originelle de LIPMANN, il fait réaliser deux bustes à la gloire de son père, dont il était un grand admirateur, et à celle de son grand-père, fondateur de la dynastie horlogère des LIP(MANN). La passion pour l’Art chez Fred LIP n’a pas de limite, d’autant plus lorsqu’il commémore sa réussite, et accessoirement celle de ses prédécesseurs. Ces deux bustes en bronze regardant avec admiration l’usine et le bureau de Fred LIP sont solidement fixés sur un piédestal à fût droit couvert de marbre. Accueillant les visiteurs de l’usine de Palente, ils sont astucieusement placés en avant de par et d’autre des portes à ouverture automatique qui sépare le hall d’entrée de la direction du parc du « Domaine de Palente ». Pour l’anecdote, lors du premier conflit Lip qui ébranle l’entreprise, ces deux bustes seront utilisés comme projectiles lors d’une charge de C.R.S., au cours de l’été 1973.
Du sommet à la ruine
Toute la période des années 1960 est assez faste chez Lip, puisque la manufacture Bisontine enregistre un record de production en 1962, avec 600 000 montres fabriquées. La grande innovation de l’ère « Palente » sera la seconde génération de montres Electronic, avec les mouvements R148 et R184, qui équiperont entre autre la Nautic-Ski Electronic, montre de plongée emblématique que Lip produira de 1967 à 1981. L’automatisation est encore accélérée et l’assemblage des montres est quasi exclusivement réalisé par des chaines de montage automatiques, permettant à Lip de réduire encore les coûts de production de ses mouvements, et de proposer des montres à un prix de vente deux à trois fois inférieur à celui des marques Suisses concurrentes. De plus, la fin des années 1960 marque les premières recherches sur le Quartz Lip, menées dans le laboratoire de développement de l’usine de Palente.
Au delà de l’horlogerie, le formidable outil de production modernisé et à la pointe de la technologie du complexe de Palente permet à Lip de travailler pour la Défense Nationale via son département Armement, ou encore pour le Commissariat à l’Énergie Atomique (C.E.A.), auquel le département Industrie qui fournis des bras manipulateurs à commandes magnétiques via son service « Haute Précision », afin de manipuler en toute sécurité des matériaux radioactifs par exemple.
Mais le déclin de l’horlogerie Française face à ses concurrents étrangers est déjà amorcé. À la fin des années 1960, la manufacture Lip accuse une progression moindre des ventes. L’immense vaisseau d’acier du quartier de Palente apparaît comme surdimensionné, la demande n’étant pas proportionnelle à la capacité de production. La nécessité d’ouvrir le capital pour renflouer l’entreprise se fait pressante. En 1967, l’actionnaire Suisse Ébauches S.A. (E.S.A.) rachète 33% des actions de la firme Lip, quelques années après, elle aura la majorité au Conseil d’Administration. Obligeant Lip à acheter de plus en plus d’ébauches chez les sous-traitants Allemands d’E.S.A., condamnant la production manufacturière de Lip. Cela conduit Lip à un premier conflit social, à la suite de l’annonce d’un vaste plan de licenciement en 1972. Fred LIP qui se rêvait en capitaine d’un navire industriel flamboyant ne va pas résister à la tempête économique qui secoue son entreprise, et il est remercié en février 1971, prié de quitter la direction active de la manufacture Lip. Il ne sera plus au premier plan pour voir sombrer son usine, dans une affaire qui portera désormais son nom, « l’Affaire Lip ».
1972 – 1973 / 1975 – 1976 : Une usine au rythme des premiers conflits sociaux d’envergure en France
C.R.S. surveillant l’entrée de l’usine Lip de Palente en Août 1973 / Source : Fond privé HAOND Clément, article de presse
1972 – 1973, près d’une année de conflit va secouer l’usine de Palente, théâtre d’un affrontement entre des ouvriers qui veulent conserver leur travail, et une direction étrangère qui souhaite au mieux assainir une entreprise en délicatesse financière, ou tout simplement éradiquer un concurrent important. Les bâtiments servent de refuge aux employés en grève, qui poursuivent la production de montres et en assurent la vente, afin de procéder aux paiements de tous les salaires.
1974 : Après la signature des accords de Dole, le travail reprend à Palente, sous la direction de Claude NEUSCHWANDER, ancien de Publicis, débauché en sauveur d’une entreprise en crise. Palente permet la création, par son outillage de pointe et le savoir-faire des employés, de la célèbre collection Design 1975, avec entre autre l’intemporelle gamme Mach 2000 dessinée par Roger TALLON, pape du Design en France. Mais l’extravagance de la construction de Palente, ce palais horloger complexe à rendre rentable tue dans l’œuf ce formidable projet de reprise. La Compagnie Européenne d’Horlogerie LIP s’écroule en 1976, emportant dans la tourmente l’usine si chère à Fred LIP. Certainement trop en avance sur son temps, et trop vaste pour un marché presque exclusivement Français, l’usine condamnait la pérennité de l’entreprise, tout en célébrant sa splendeur et sa vitalité.
La marque est reprise dès 1976 – 1977 par certains ouvriers et employés Lip, dans une légalité relative, la liquidation judiciaire et le traitement administratif de cette dernière n’étant pas totalement actés. Régularisant leur situation, et souhaitant relancer la première marque horlogère de France, les anciens Lip se structurent en SCOP, montage innovant qui ne sera accepté qu’à une seule condition, qu’ils quittent définitivement l’usine de Palente. Progressivement abandonnée, ce fleuron de l’industrie Française, usine la plus moderne d’Europe à son inauguration en 1962 n’est plus qu’une coque vide, inanimée. Dans les années 1980, l’usine est pillée, marquée des stigmates des violents affrontements de la fin des années 1970, lorsqu’il fallait alors réprimer la relance de l’entreprise, pour museler une dernière fois une affaire aux abois. Délabré, ce vaste domaine sera reconverti, après plusieurs années et la destruction d’une large partie des bâtiments, en pépinière d’entreprise.
À partir de 1981, des ventes judiciaires sont organisées afin de liquider le restant de matériel encore présent dans l’usine, en vue de vendre les bâtiments et le parc de l’ancien « Domaine de Palente ». Plus globalement, cette période du début des années 1980 symbolise la fin progressive du bastion industriel horloger et de la micro-mécanique qu’était alors la région de Besançon, et plus largement du département de la Franche-Comté. En février 1985, la dernière liquidation judiciaire acte la vente, après plusieurs baisses de prix et des mois de tractations, de l’usine et du terrain sur lequel elle est érigée, contre la somme de 4.5 millions de Francs. Un partenariat entre la chambre de commerce de la région et la ville de Besançon se porte acquéreur, en proposant un plan de réhabilitation totale de ce complexe alors en friche.
La totalité du restaurant et des vestiaires a été détruite au milieu des années 1980, pour laisser place à de nouveaux locaux. Le château de Palente, transformé en 1962 en centre médico-social et une large partie de la passerelle, emblème avec la cheminée de Palente ornée d’un monumental « LIP » sont voués à la destruction, une page se tourne et l’ère Fred LIP est définitivement révolue. Aujourd’hui, une partie des bâtiments demeure toujours similaire à ceux imaginés par Fred LIP dans les années 1950 et 1960. Malgré la disparition de la marque horlogère Lip pendant plus de 30 ans de Besançon, et son récent retour dans la région Bisontine (2014), les 3 générations de LIPMANN auront réussi à marquer la ville de leurs empruntes respectives. L’Atelier du 14 de la Grande Rue existe toujours (Centre Commercial, 1867 – 1903, Emmanuel), l’usine de la Mouillère, œuvre d’Ernest LIPMANN est quasiment intact (rue des Chalets, 1903 – 1960/62) et, nous l’avons vu, l’usine de Palente, rêve « du Fred » comme il se faisait appeler dans les couloirs de l’usine; est, malgré sa refonte, encore là aujourd’hui, derniers témoins visibles d’un passé industriel horloger vigoureux à Besançon.
Vues de l’usine Lip III de Palente en friche, au début des années 1980. Issus d’un reportage documentaire de France 3, LIP le Rêve et l’Histoire, 2005, film de B. GAUTHIER et I. BRUNNARIUS, réalisé par B. GAUTHIER.
Sources :
COUSTANS Marie-Pia et GALAZZO Daniel, Lip, des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
Fred LIP, Bulletin Spécial LIP III – Besançon Palente de Mars 1961, Édition Aljanvic, 1961
Ouvrage collectif d’exposition, L’HORLOGERIE DANS SES MURS, Lieux horlogers de Besançon et du Haut-Doubs, Édition du Musée du Temps, 2019 (livret de l’Exposition éponyme au Musée du Temps)
Collection Lip du Musée du Temps à Besançon
Fond d’archives issues des Archives Municipales de la ville de Besançon
Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément
Fond d’archives télévisuelles de l’INA sur Lip entre 1960 et 1984
Fond photographique privé sur la Manufacture Lip issue du Service Photographique Interne de l’usine Lip, HAOND Clément
1903 – 1960/62 : L’usine moderne de la Mouillère de la S.A. d’Horlogerie LIPMANN Frères.
Œuvre majeure de la seconde génération horlogère de la famille LIPMANN, emmenée alors par Ernest, la construction ex-nihilo de l’usine Lip au sein du quartier de la Mouillère à Besançon symbolise l’avènement de l’ère industrielle pour la fabrique de montres et d’équipements mécaniques. Suivant inlassablement le cours de l’histoire, chaque génération de LIPMANN va transformer l’entreprise, en lui offrant les dernières innovations des époques successives qu’elle traverse.
Le XXe siècle permet à Ernest LIPMANN, fils du fondateur de l’affaire horlogère en 1867, de moderniser la production de montres et chronomètres estampillés Lip. L’évolution incessante des procédés industrielles dès la fin du XIXe siècle peut garantir un dynamisme exceptionnel au paysage horloger de Besançon, à condition que la vieille avant-garde d’horlogers et de sous-traitants s’y plie, et dans cette branche traditionaliste et conservatrice, rien n’est moins sûr.
Gravure de l’usine de la Mouillère et du bâtiment du SIDHOR (croix) en 1953 (la rue est vidée des autres habitations et usines à proximité) / Source : En tête d’une facture Lip de 1953, Fond privé HAOND Clément
La fin de l’établissage, pour l’essor de la manufacture.
La rupture avec l’établissage s’opère lors de la passation de pouvoir entre Emmanuel et ses fils, Ernest et Camille LIPMANN. Ces derniers, prenant officiellement les rênes de l’entreprise en Janvier 1901, vont, notamment sous la férule d’Ernest, profondément modifier le Comptoir LIPMANN, en lançant la construction dès le début du XXe siècle, d’une usine de production entièrement neuve et pensée pour l’horlogerie. À la faveur du déclassement de la zone militaire ceinturant la Boucle (quartier historique de Besançon), les zones marécageuses du quartier de la Mouillère deviennent constructibles. Les entreprises notamment horlogères ou dépendantes de l’horlogerie se ruent alors sur ces terres inexploitées, vides d’industries.
Massée au sein de la Boucle et dans la rue Battant, la fabrication de montres à Besançon manque d’oxygène. La contrainte spatiale du méandre que décrit le Doubs, et des fortifications de la ville ne permettent pas à cette activité de se développer à sa convenance, et d’assouvir les ambitions d’industrialisation de la nouvelle génération d’horlogers. L’ouverture de nouveaux terrains, qui plus est vierges, crée une atmosphère d’émulation, d’effervescence à Besançon, alors capitale de l’Horlogerie Française, et principal concurrent de la Suisse. Les frères LIPMANN n’échappent pas à cela, d’autant plus que l’atelier obsolète fondé par leur père au 14 de la Grande Rue (Besançon) ne permet de concevoir qu’un nombre restreint de montres manufacturées, une grande majorité de la production étant faite d’assemblage de pièces achetées à l’extérieur et fabriquées sur place. L’imagination des LIPMANN ne pouvait se borner à ces opérations fastidieuses, et c’est sur ce terrain fertile que la décision, début 1900, est prise de construire l’usine de la Mouillère, 4 rue des Chalets.
L’usine de la Mouillère.
Édifiée sur deux étages à l’Est de Besançon, l’usine Lip est décrite par la réclame en 1904 comme une « Manufacture d’horlogerie soignée par procédés mécaniques, avec outillage perfectionné » (Source : La Fédération Horlogère Suisse du Jeudi 2 Juin 1904). Initialement cantonnée à quelques bâtiments, l’usine de la Mouillère va se développer au gré du dynamisme de l’entreprise. Absorbant au fur et à mesure les constructions jouxtant l’édifice principal, l’usine Lip se développe à la manière d’un arbre dont les rameaux occuperaient petit à petit l’espace disponible, sans véritable unité architecturale.
Atelier de polissage et Entrée de l’usine Lip de la Mouillère, dans une enquête de la France Horlogère datée de 1908, in MAUERHAN Joëlle, Horlogers et horlogères à Besançon 1793-1908, un passé prêt à revivre, L’Harmattan, 2019.
Tentaculaire lieu de production dans lequel s’anime, dès 1903, 80 salariés. La plupart s’attellent à la fabrication de la quasi totalité des éléments constitutifs d’un mouvement d’horlogerie, le reste des ouvriers est chargé d’assembler les fournitures ou les ébauches que la S.A. LIPMANN Frères achètent auprès de fournisseurs Français ou Suisses. Volontairement prévue trop vaste afin d’absorber l’optimiste développement de l’usine prévu pour les décennies à venir, des sous-traitants de Lip s’installent dans un premier temps rue des Chalets (galvanoplastie, finisseurs, etc …) afin de rentabiliser l’espace. Rapidement, l’usine emploie 110 personnes, dont des horlogers, des mécaniciens, des outilleurs qui fabriquent les outils et des éléments de machines-outils ou des employés commerciaux et administratifs.
Vue sur une affiche Lip vers 1910, grande rue de la commune de Broût-Vernet (Allier) / Source : Service Histoire Lip
Pensée dès les plans comme une usine horlogère moderne, les bâtiments de la rue des Chalets qu’occupent Lip sont spacieux, dotés de l’électricité et du chauffage central, deux révolutions d’une grande modernité. Dès 1910, une intense et innovante campagne de promotion de la marque Lip voit le jour. Les trois lettres sont reportées sur de grandes affiches qui tapissent les villes et les villages de France, tout comme les pages des journaux en vogue, l’Illustration en tête. Ainsi, la demande augmente fortement et près de 200 employés s’activent dans l’usine de la Mouillère, dont 55 horlogers Suisses, avant la Grande Guerre. L’emploi d’horlogers Suisses indique aisément la considérable notoriété dont bénéficie la fabrique LIPMANN. La Mouillère est agrandie une première fois en 1911 face à cette augmentation nécessaire de production, et ce, malgré la construction volontairement surdimensionnée de 1903.
Les années 1920 sont synonymes de succès pour Lip, la marque ayant admirablement survécu à la Grande Guerre. Ernest LIPMANN est alors au commande de l’usine, qu’il veut à l’avant-garde. L’usine est alors à pleine capacité, et en publicitaire averti, Ernest décide d’ouvrir les portes de la Mouillère aux clients et journalistes. Un journaliste de la revue Horlogerie-Bijouterie va publier, dans le N° 235 en date de Juin 1922 un éloge panégyrique de l’usine Lip de la rue des Chalets :
J’ai tenu à visiter les Usines Lip. J’en reviens émerveillé. Dès l’entrée, vous êtes frappés par le standard téléphonique dernier modèle et ses charmantes téléphonistes vêtues à la dernière mode de Paris. Tout est clair, spacieux, aéré. Les ateliers ronronnent du murmure des machines-outils. Les ouvriers se déplacent à travers une forêt de cables, poulies, courroies, qui vous suggèrent les derniers films de Tarzan que l’on peut voir au Cinématographe. […] En somme, chez Lip, nous avons une vision du monde de demain.
Cette extrait que nous retrouvons à la page 16 de l’ouvrage Lip de référence, Lip des heures à conter de M-P COUSTANS et D. GALAZZO (2017, Glénat) nous renseigne sur l’atmosphère de modernité qui règne alors chez Lip.
Vues sur les Ateliers de l’usine Lip de la Mouillère photographies du Services Photographiques Interne Lip vers 1935 – 1940 / Source : Fond privé de photographies HAOND Clément
Les années folles … vues de la rue des Chalets
Plan à main levée de l’usine de la Mouillère réalisé par Charles PIAGET / Source : Fond privé HAOND Clément
La décennie 1930 apporte également son lot d’évolutions au sein de l’usine Lip. La dynamique expansionniste se poursuit en absorbant les maisons voisines, donnant un ensemble architectural hétéroclite. Les frères LIPMANN font installer un éclairage par tubes fluorescents à vapeur de mercure afin d’offrir un poste de travail lumineux aux 350 employés qui peuplent alors l’usine, en plus des larges baies vitrées typiques des ateliers d’horlogerie. Les murs se couvrent d’une peinture verte, et afin de garantir une production toujours plus qualitative, un parquet sans joint est posé dans les ateliers d’horlogerie. Cette dernière innovation structurelle permet de limiter la formation et l’accumulation de poussière, et l’encrassement des mouvements lors de la fabrication, du réglage ou de l’assemblage. Un dédale de couloirs, de pièces borgnes et d’escaliers étroits rythment la journée des employés Lip. L’adjonction de bâtiments d’origines diverses rend la circulation difficile dans ce qui s’apparente dorénavant à un labyrinthe. Distribuées sur plusieurs niveaux, dont des demis niveaux, il est complexe d’instaurer un roulement, avec la matière première qui entre par un côté de l’usine, et qui ressort de l’autre côté en montres finies. Un dessin de Charles PIAGET (mécanicien dès 1946 chez Lip et figure syndicale de Lip) permet de mesurer l’importance de l’imbrication et de la disparité des départements Lip, et l’énergie dépensée dans le transfert d’une pièce entre deux étapes, au sein de deux lieux de l’usine.
La Seconde Guerre Mondiale aux Chaprais, et la révolution Fred LIP (1939 – 1960).
Photographie de l’immeuble du SIDHOR réalisée par le Musée du Temps à l’occasion de l’exposition « L’horlogerie dans ses murs, lieux horlogers de Besançon et du Haut-Doubs » en 2019 / Source : Collection photographique du Musée du Temps, Besançon
La manufacture Lip va poursuivre son énergique ascension entre 1939 et 1960. L’usine de la Mouillère atteint le paroxysme de son développement spatiale vers 1950, tout juste après la construction entre 1947 et 1948 de l’immeuble du SIDHOR (Société Immobilière pour le Développement de l’HORlogerie). L’éclatement de la Seconde Guerre Mondiale et l’Occupation Allemande de l’usine de la Mouillère, puis son pillage lors de la débâcle par les troupes de l’Axe va fortement freiner la modernisation de la Mouillère. Vaisseau qui émerge du quartier, l’ensemble de bâtiments va toutefois connaître un retentissant bon en avant sous l’égide de Fred LIPMANN, qui prend les commandes de l’entreprise fin 1944. En 1948 – 1949, la Mouillère est une des premières usines horlogères dans le monde qui se dote d’une chaîne de montage semi-automatisée, mise au point par le département spécialisé en machinerie de Lip. En 1951, c’est un atelier de fabrication de cadrans qui prend place dans l’étroite usine. La même année, une montre est fabriquée en 24 minutes à la Mouillère, et cela, malgré la singulière imbrication de pièces et de lieux de production. Suivant une avancée de la rue Beauregard vers la rue de la Mouillère, en direction du Doubs, l’usine Lip profite de la construction du remarquable immeuble du SIDHOR.
Détail de la façade du SIDHOR avec l’aigle symbole des armoiries de Besançon posé sur un rouage, allégorie de l’horlogerie et le micro-mécanique / Source : racinescomtoises.net
Le SIDHOR fait parti intégrante de l’histoire de la manufacture Lip, notamment parce qu’il va abriter l’innovation majeure de Lip, l’Electronic. Réunissant en un seul lieu plusieurs fabricants en horlogerie dont Lip, Auger ressorts, Epiard, Cheval Frères, etc …, le SIDHOR offrait alors la possibilité de mutualiser des espaces lumineux et pensés pour pratiquer l’horlogerie. Construit selon les plans d’Alfred Ferraz et de Lucien Seignol, deux architectes originaires de Saint-Etienne (Loire), ce bâtiment en croix va accueillir au dernier étage (le quatrième) le laboratoire de recherche Lip. Ce dernier donne secrètement naissance à la technologie Electronic Lip, présentée en première mondiale en 1952 au stade de prototype, puis commercialisée en Décembre 1958. Il s’agit ainsi d’un haut lieu de l’histoire Lip. Se trouvant dans le prolongement de l’usine, le SIDHOR vient marquer l’angle de la rue des Chalets, communément appelée « rue Lip » puisque la quasi totalité des bâtiments s’y trouvant appartiennent à Lip S.A. d’horlogerie, et de la rue de la Mouillère (le SIDHOR se trouve au 23 de cette dernière).
Une usine au bord de la saturation dès le milieu des années 1950.
Avec le fastueux essor de la manufacture Lip sous la coupe de Fred LIP dès les années 1950, l’usine de la Mouillère connait un étalement spatiale important. Ainsi, au milieu des années 1950, l’usine occupe une surface de 10 000 m2, ou travaille environ 900 employés qui produisent près de 200 000 montres par an, ainsi que quelques machines et des équipements électriques. La diversification des champs d’action de la manufacture Lip impose « au Fred » d’envisager une nouvelle infrastructure digne de produire les plus belles montres de France. De plus, dans sa fougue anti-conformiste et anti-traditionaliste, Fred LIP pousse son entreprise vers la modernité, vers l’avenir, et l’usine de la Mouillère, par sa conception et son absence d’ergonomie entrave son action.
Gravure de l’usine de la Mouillère et du bâtiment du SIDHOR (croix) en 1953 / Source : En tête d’une facture Lip de 1953, Fond privé HAOND Clément
Dès 1953, un terrain est acquis dans le quartier de Palente, l’entreprise Lip n’ayant plus besoin d’être proche de Besançon, sa réputation étant alors pleinement établie. Situées à proximité du château de Palente, Fred LIP rachète donc les terres du « Domaine de Palente », 90 000 m2 de verdure. Le construction de l’usine Lip III débute en Mars 1960, pour s’achever au cours de l’année 1962. 24 000 m2 sont allouée aux 3 corps de bâtiment qui composent l’usine Lip-Palente, une surface plane plus de deux fois plus vaste que l’usine de la Mouillère. Ultra-moderne, Palente va supplanter le fief historique de la Mouillère dès 1960. Le transfert des machines et de la production se fait sans discontinuité entre 1960 et 1962, chaque secteur déménageant la veille de la Mouillère, pour se trouver le lendemain à Palente au même poste.
Photographie aérienne de l’Usine Lip III Palente en 1967 / Source : Fond privé HAOND Clément
Les derniers services quitte l’usine de la Mouillère en 1962, la manufacture Lip se déployant pleinement dans « l’usine la plus moderne d’Europe », Palente III. Les bâtiments de la Mouillère sont rapidement vendus par Lip S.A., les bénéfices de cette vente couvrant intégralement le coût colossal de l’usine de Palente. Un temps laissés vides, puis au fur et à mesure des années qui s’écoulent, la plupart sont réhabilités en logements ou en locaux pour de plus petites entreprises. Aujourd’hui, il s’agit de l’usine la mieux conservée de la manufacture Lip. Structurellement, les bâtiments sont tout à fait semblables à ce haut lieux de l’horlogerie que fut la rue des Chalets, seule la passerelle enjambant la rue des Chalets sera détruite.
Le déménagement de l’usine Lip II (Mouillère) vers l’usine-pilote Lip III (Palente) est le symbole de la fortune de l’affaire Lip après Guerre (post 1945). C’est également le marqueur d’une passation officielle de génération, puisque Lip I (70 puis 14 Grande Rue) fut l’aventure d’Emmanuel LIPMANN, le fondateur de la dynastie, Lip II (Mouillère) celle d’Ernest LIPMANN et de l’ère industrielle, et enfin Lip III qui sera « le petit caprice » (comme il aimait la qualifier) de Fred LIP. Chaque génération s’affirmera d’abord techniquement, mais afin de laisser une empreinte durable sur le paysage horloger Bisontin, elles s’assureront une solide pérennité par le lègue d’un monument industriel à leurs images.
Sources :
COUSTANS Marie-Pia et GALAZZO Daniel, Lip, des heures à conter, Édition Glénat, Grenoble, 2017
MAUERHAN Joëlle, Horlogers et Horlogères à Besançon, 1793-1908, un passé prêt à revivre, Édition L’Harmattan, 2018
Ouvrage collectif d’exposition, L’HORLOGERIE DANS SES MURS, Lieux horlogers de Besançon et du Haut-Doubs, Édition du Musée du Temps, 2019 (livret de l’Exposition éponyme au Musée du Temps)
Collection Lip du Musée du Temps à Besançon
Fond d’archives issues des Archives Municipales de la ville de Besançon
Fond de documentation privé sur la Manufacture Lip, HAOND Clément
Fond photographique privé sur la Manufacture Lip issue du Service Photographique Interne de l’usine Lip, HAOND Clément
Fond numérisé de la Revue « La Fédération Horlogère Suisse » pour l’année 1903 et 1904
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